Par Dr Talha Rashid
Ce jeudi, lors de son allocution, Monsieur le Premier Ministre, Jean Castex a annoncé un nouveau confinement sans surprise dans 16 départements. Il a également énuméré plusieurs mesures dont l’objectif est in fine de contenir la « troisième vague » de l’épidémie suite à l’arrivée du variant anglais sur le sol français, afin de réduire le nombre de nouveaux cas et de faire baisser la lourde pression qui pèse sur les services de réanimation en France. Parmi ces mesures il y a entre autres : la prolongation du couvre-feu qui devra être respecté de 19 h à 06 h, la limitation des déplacements dans un rayon de 10km sans limite de durée, et la fermeture des commerces dits non-essentiels, cependant les libraires, disquaires et coiffeurs peuvent rester ouverts. Ces mesures seront en vigueur pendant une durée de quatre semaines.
Contrairement au confinement du printemps dernier, il s’agit donc d’un confinement nettement plus souple, permettant ainsi aux Français impactés de profiter quand même des belles journées de printemps qui pointent déjà leur nez. Cependant, en dépit d’un confinement aussi souple, le lendemain des annonces gouvernementales, le vendredi 19 mars, les trains au départ de Paris et en direction de la province ont été pris d’assaut et affichaient complets, notamment ceux en direction de l’ouest ou sud-ouest, où le taux d’incidence est nettement plus faible. Le confinement entrant en vigueur le samedi 20 mars, aucune directive gouvernementale ne les en empêchaient, ou ne les en dissuadaient. Les Parisiens et ceux habitant en Ile-de-France étaient tellement nombreux à partir pour la province que certains médias ont même parlé de véritable « exode »2. Le couvre-feu étant en vigueur dans toute la France, les gens ont quitté la région parisienne car ils ne souhaitaient pas être confinés dans un rayon de 10km : ils souhaitaient être libres de leurs mouvements, restés avec leurs familles, et de très nombreux étudiants retourner au domicile parental.
Bien que ces raisons soient compréhensibles, cet exode présente un risque sanitaire non-négligeable, bien plus qu’au printemps dernier, pour trois raisons principales :
- Dans les 16 départements confinés, le taux d’incidence dépassait les 500 cas pour 100 000 habitants, ce qui est deux fois supérieur à la moyenne nationale. Ainsi, si des porteurs asymptomatiques ou ayant des symptômes légers, ont quitté la région parisienne, on peut avoir une augmentation de l’incidence dans des régions où la circulation du virus est plus faible. D’aucuns avancent que la densité étant plus faible dans certaines régions en province, cet exode serait même bénéfique, mais il y aura forcément un brassage dans les différents commerces et supermarchés entre les gens venant de la région parisienne et les locaux. Il ne faut pas oublier que le variant anglais majoritaire en France est plus contagieux et létal.
- Le variant anglais VOC-202012/01 B.1.1.7 du SARS-CoV-2 est majoritaire en France depuis le 4 mars. Au 18 mars, selon le rapport épidémiologique régional Ile-de-France de Santé Publique France, la proportion du variant du Royaume-Uni était de 74,8%.3 On sait que ce virus est environ 50% plus contagieux que le virus classique4, mais selon une étude britannique très récente publiée le 10 mars 2021 dans The British Medical Journal5 on sait maintenant que ce variant anglais est de plus 64% plus mortel que le virus classique.
- La présence de certains variants régionaux certes très minoritaires mais inquiétants, tel que le variant breton. A ce jour nous avons très peu d’informations au sujet de ce variant, mais nous savons que les huit personnes âgées, présentant des comorbidités, qui l’avaient contracté, et qui n’avaient pas été vaccinées, sont toutes décédées. Ainsi en l’absence d’informations robustes le principe de précaution s’applique. En effet comme le dit l’adage : « L’absence de preuve n’est pas preuve d’absence. » L’absence de preuve d’une létalité et contagiosité accrues n’est pas à ce jour une preuve que ce variant ne le serait pas.
Nous pouvons ainsi regretter que le gouvernement n’ait pas donné de directives pour empêcher ou limiter aux besoins impérieux cet exode des habitants de la région parisienne. Il y a quatorze siècle de cela le Saint Prophète (sa) avait donné un principe qui s’applique parfaitement à cette situation et qui résume la recommandation qu’il manquait dans les annonces gouvernementales. Le Saint Prophète (sa) avait déclaré :
« Lorsque vous entendez parler d’une épidémie dans une région, n’y allez pas. »
« Et si l’épidémie éclate dans votre région, ne la quittez pas. »6
Ce principe d’or énoncé il y a quatorze siècles de cela, manquait dans les annonces gouvernementales. Une telle directive aurait permis d’éviter le brassage de gens de différentes régions et des cross-contaminations dans un contexte où de multiples variants existent, et que nous connaissons très peu. Nous ne pouvons désormais compter que sur la bonne intelligence et la responsabilité de tout un chacun, et espérer qu’à l’avenir le gouvernement énoncera une directive dans ce sens afin de limiter au mieux la circulation de ce virus et de ses variants dans un contexte incertain.
A propos de l’auteur : Talha Rashid est Rédacteur en Chef de La Revue des Religions. Il est également Secrétaire national aux Affaires Externes pour la communauté Ahmadiyya de France. Il est titulaire d’un doctorat en biologie moléculaire et cellulaire de l’université Paris Descartes.
1 – https://www.gouvernement.fr/info-coronavirus
4- https://www.sciencesetavenir.fr/sante/covid-19-le-variant-anglais-ne-semble-pas-plus-virulent_150442
5- https://www.bmj.com/content/372/bmj.n579
6- Sahih Al-Bukhari 5728
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