Par Mahrukh Arif-Tayyeb
Lors d’un entretien à « Causeur », Lydia Guirous, anciennement chargée des valeurs de la République française et de la laïcité à l’UMP, a affirmé que « quand on est Française, on ne porte pas un hijab ». Un raccourci intellectuel grossier et dangereux remettant en cause l’intégrité des femmes musulmanes voilées et leur appartenance à la nation.
Remettons les pendules à l’heure : si une femme souhaite porter le voile (i.e. le hijab), elle est libre de le faire. Le voile ne la rend pas plus ou moins Française, puisqu’il s’agit avant tout d’un choix religieux et non politique. Politiser le voile – pour créer le buzz – au prix de compromettre la liberté des femmes n’est pas digne de la féministe que vous prétendez être. Au contraire, cela démontre que la cause féminine vous importe peu.
Le port du voile ne constitue pas un critère d’appartenance à la nation française. Si le voile intégral a été interdit pour des questions sécuritaires dans le cadre de l’interdiction de la dissimulation du visage, il n’en demeure pas moins que cette loi n’a jamais été justifiée par un souci de maintien des valeurs françaises. Les femmes musulmanes sont encore libres de porter un voile et arborent fièrement les valeurs françaises, notamment la première de notre devise nationale : la liberté.
Le droit français leur donne la liberté de maîtriser leurs choix et s’habiller encore comme elles le souhaitent, n’en déplaise à Madame Guirous. Il est également essentiel de rappeler que ce genre de propos ouvre la boîte à pandore à d’autres discriminations religieuses.
Aujourd’hui, il s’agit du voile, demain viendra-t-on nous dire que quand on porte une kippa ou un turban, on n’est pas Français ? Pourquoi un tel débat vise-t-il spécifiquement les femmes ? Ne pensez-vous pas qu’en réduisant toutes les femmes voilées à des sous-êtres soumises incapables de réfléchir et de choisir pleinement la façon dont elles veulent s’habiller vous servez le même discours patriarcal et sexiste que vous prétendez combattre ?
Madame Guirous, être Français-e-s ne se réduit pas au simple port du voile, mais plutôt à des actes. En ces temps de pandémie, les femmes de l’Association Musulmane Ahmadiyya – ambassadrices de l’opération Pièces Jaunes depuis neuf années consécutives – ont non seulement distribué des paniers repas au personnel hospitalier mais aussi aux plus démunis.
Elles ont cousu plus de 6000 masques pour combler le manque de masques offerts à des associations caritatives telles que La Croix Rouge ou le Secours Populaire.
En collaboration avec certaines municipalités, elles ont répondu à l’appel des maires dans la France entière à coudre des masques pour les groupes scolaires et les habitants de chaque ville respective.
Pour soutenir les plus démunis et les personnes âgées, elles ont organisé des correspondances régulières avec des maisons de retraite et livré des goûters au personnel soignant.
Elles n’ont jamais manqué de présenter leurs souhaits et d’envoyer des cartes de vœux à chaque occasion festives – que ce soit Noël, Pâques ou le Nouvel An. Leur voile ne les a pas empêchées de mener des actions citoyennes et de participer à chaque commémoration nationale. Leur voile ne les a pas empêchées de condamner, avec ferveur, chaque attentat commis contre leur patrie. Elles sont la preuve vivante du fameux précepte du Prophète Mohammadsa : « l’amour de la patrie fait partie de la foi ».
Quelles actions avez-vous menées lors de cette pandémie pour aider vos concitoyens, à part semer la zizanie dans les médias et stigmatiser les femmes voilées ?
Suivez les oeuvres de l’aile féminine de l’Association Musulmane Ahmadiyya de France sur Twitter : @lajnafrance
A propos de l’auteur : Mahrukh Arif-Tayyeb est une française de confession musulmane. Diplômée d’un Master de l’EHESS, elle est passionnée par le fait religieux en Europe. Elle écrit régulièrement sur ces sujets en français et en anglais. Elle est par ailleurs Responsable de la section féminine de La Revue des Religions.
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