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Liberté d’expression made in France : liberté pour les uns, exception pour le Chef de l’État

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Ces derniers jours, un afficheur varois a fait beaucoup parler de lui en raison de sa caricature comparant le Président E. Macron à Hitler. Le Président a immédiatement déposé plainte. Bien que cet acte soit condamnable, il a mis en lumière les limites de la liberté d'expression, ainsi qu'un deux poids, deux mesures par rapport aux caricatures du Prophète de l'islam.

Par Asif Arif

Récemment, un afficheur varois a pris la liberté de grimer Emmanuel Macron, Président de la République Française, sous les traits d’Adolphe Hitler ; les avocats du Chef de l’État ont immédiatement répliqué en déposant plainte contre la caricature de ce dernier, étant précisé que l’afficheur, originaire du Var, a continué en publiant une nouvelle caricature d’Emmanuel Macron sous les traits de Napoléon 1er.

Il va de soi qu’une telle représentation d’Emmanuel Macron doit être fermement condamné en ce qu’elle portrait un Chef de l’État qui est comparé à l’auteur de l’Holocauste et dépeint ainsi une affiche démesurée et disproportionnée entre ce que représente l’actuel chef de l’État et ce que représentait Hitler. Pourtant, ceux qui sont en faveur de la caricature, vue comme une liberté totale et sans limite, diront que le propre de la caricature étant l’exagération de certains traits, cette caricature doit être admissible.

La question mérite réflexion, non sur le terrain de la proportion ou de la dimension accordée à la liberté d’expression, mais davantage sur les conditions liées à ses limites. Jusqu’où devrait permettre la liberté d’expression et quelles en sont ses limites ? Par ailleurs, la liberté d’expression devrait-elle s’emparer des contextes nationaux ou internationaux afin de ne pas être un terreau fertile à la honte, à l’insulte portée à son semblable ?

Nous pensons que la réponse est positive. D’abord, parce qu’il convient de voir la manière dont cette liberté est articulée et le fait qu’elle a fait naitre un deux poids, deux mesures. Lorsque le Prophète de l’islam était dépeint avec des bombes sur la tête, nous avons attribué, à travers la caricature, la mort de milliers d’innocents à un Prophète qui est un père spirituel pour 1,5 milliard de musulmans sur la Planète et qui est considéré par ces derniers comme « une miséricorde pour l’Humanité ».

Ici, la comparaison avec la situation française prend tout son sens. Lorsque E. Macron est dépeint en Hitler, c’est bien en réponse à une politique de passe sanitaire qu’il a adoptée et que le caricaturiste estime exagérée, en violation totale des libertés. Bien que la violation des libertés soit bien présente dans sa politique, il n’en demeure pas moins que le comparer à Hitler est une absence totale de compréhension historique de qui Hitler fut par le passé. Par ailleurs, la réitération de la caricature semble rappeler les réitérations régulières des caricatures du Prophète de l’islam par plusieurs médias (alors même que des médias anglo-saxon ont refusé de les afficher).

La même analyse peut être faite lorsqu’il s’agit du Prophète de l’islam. Lorsque les caricaturistes le dépeignent avec des bombes, c’est une négation totale de ce que ce Prophète a apporté au monde ; n’oublions pas que son message a traversé des siècles et que cela fait aujourd’hui plus de 1.400 ans (soit 14 siècles) que l’islam est pratiqué dans le monde ; en comparaison, E. Macron a fait une campagne éclaire de quelques mois et n’est présent sur la scène médiatique que depuis quelques années. L’extrémisme existe dans toutes les religions, incluant dans l’islam mais en faire peser la responsabilité sur le Prophète de l’islam n’était pas indécent ; c’était immonde.

C’est ce même caractère abject qui a poussé le Président de la République Française à déposer plainte contre ce dessin. La dimension est la même, les sentiments effleurés sont les mêmes mais l’application en est différente. En effet, E. Macron avait affirmé que ce « n’était pas sa place » que de condamner des dessins qui caricaturent le Prophète de l’islam. Il semble que le destin ait joué contre lui voire même, pratiquement, en se retournant contre lui. Nous sommes d’avis qu’il doit y avoir une unité fondamentale à ne pas critiquer les grandes figures religieuses non pas sur le fondement du blasphème en soutenant que cela serait le retour des religions dans l’espace public, mais sur le fondement de la tolérance, cette même tolérance qui avait fait que Voltaire en écrivît un traité.

D’ailleurs, le retour du blasphème synonyme d’un retour du religieux dans l’espace public en France n’est qu’un mythe entretenu par certains polémistes aux pauvres réflexions. On voit bien que la loi relative au séparatisme non seulement empêche les religions de prendre part dans un débat public mais consiste de plus en plus à contrôler la parole religieuse au sein des lieux de culte fût-elle parfois en ligne totale avec la République qui accorde une indépendance aux religions.

Nous en appelons au bon sens, à la responsabilité et à la tolérance : respectons-nous les uns et les autres et demandons au Chef de l’État, victime de la caricature contre laquelle il s’est empressé de porter plainte, d’imaginer, un tant soit peu, la souffrance des musulmans et d’appliquer un principe transversal qui ne laisserait aucune place aux deux poids, deux mesures ou à la discrimination : la justice absolue.


Asif Arif est membre de la Communauté musulmane Ahmadiyya, avocat au Barreau de Paris, et auteur spécialiste des questions de religions et laïcité.

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