Spiritualité

L’embryon et le développement de l’âme

Le Saint Coran établit une analogie parfaite entre le développement physique de l'embryon et le développement spirituel de l'homme. Comment cette analogie est-elle décrite ? (Partie I)

Par Sajid Ahmad Muslun

La spiritualité en Islam revêt d’une importance fondamentale. L’Islam enseigne que les bonnes actions, la prière, la charité et les efforts que consacrent l’être humain dans le chemin de son Seigneur ont un effet profond sur son âme, et contribuent au développement et à l’épanouissement de celle-ci. Le fondateur de la Communauté musulmane Ahmadiyya (as) a abordé ce sujet dans plusieurs de ses écrits, notamment dans la cinquième partie de son livre Barahin-e-Ahmadiyya où il effectue une exégèse d’un passage Coranique qui compare le développement de l’être spirituel à celui du fœtus.

Selon le Coran, l’évolution spirituelle du croyant se déroule en étapes, et son envergure est à peu près similaire au degré de complexité qui sépare le liquide séminale du nouveau-né. Dans la Sourate Al-Mu’minun, Allah déclare que cette évolution se fait en six étapes[1], qui sont les suivantes. Le croyant :

(1) est humble dans sa prière

(2) se détourne de tout ce qui est vain

(3) est prompt à payer la Zakat

(4) préserve ses parties intimes

(5) veille sur les dépôts qui lui sont confiés et sur ses engagements

(6) est vigilant vis-à-vis de ses prières.[2]

La mention des étapes marquantes de l’évolution spirituel du croyant est suivie par une brève description de l’évolution physique de l’homme qui est elle-aussi s’effectue en six étapes[3] :

(1) Puis Nous l’avons placé comme une goutte de sperme dans un réceptacle sûr ;

(2) Puis Nous avons façonné le sperme en un caillot adhérent

(3) Puis Nous avons façonné le caillot adhérent en une boule informe 

(4) Puis de cette boule informe Nous avons façonné des os

(5) Puis Nous avons revêtu les os de chair

(6) Puis Nous l’avons développé en une autre création. Aussi, Béni est Allāh, le Meilleur des Créateurs ![4]

Le fait que le Coran évoque six étapes du développement physique et autant d’étapes en ce qui concerne le développement spirituel n’est pas une simple une coïncidence. Il s’agit plutôt d’une indication qu’il existe un lien intrinsèque entre les deux processus.

La mention du sperme, du caillot, de la boule informe, de la formation des os et du revêtement de la chair sont des expressions imagées qui expliquent les actions afférentes à l’évolution spirituelle de l’homme évoquées au début de la Sourate.

Première étape : « Qui sont humbles dans leurs prières. »

L’humilité dans la prière est la première étape du développement spirituel. Le fait de se souvenir de la Personne de Dieu, de s’adonner à Son culte d’un cœur rempli d’émotion, et de déverser des larmes sur Sa voie comportent une étrange similarité avec l’émission du liquide séminale. Le sperme est comme un microcosme qui possède un potentiel inhérent de se développer en une forme plus complexe, car il renferme dans une forme compacte toutes les facultés de l’homme, ses organes internes et externes, et ses traits physiques[5]. De même, l’être spirituel, qui renferme les facultés, les attributs, et les caractéristiques de l’âme, recèle d’un potentiel inhérent de se développer en une autre création[6], en conséquence de la discipline à laquelle il est amené à se souscrire.

L’état du sperme est précaire pour plusieurs raisons.[7] Tant et aussi longtemps qu’il n’ait pas établi un lien (‘alaqa) avec la matrice (rihm), rien ne garantit qu’il poursuivra son parcours évolutif et qu’il connaitra un développement en une forme de vie plus complexe. C’est dans le contacte avec la matrice que réside la survie du sperme. La précarité et l’incertitude qui entourent le liquide séminale s’explique de surcroit par le fait qu’il contient parfois certaines déficiences qui entrave sa capacité de se développer et d’établir un lien avec la matrice.[8] L’état pleine de ferveur, de tendresse, de passion et d’angoisse qu’éprouvent ceux « Qui sont humbles dans leurs prières » constitue la première étape dans l’établissement d’un lien avec Allah[9]Ar-Rahim (Le Miséricordieux; celui qui récompense les efforts du fidèle) – tout comme l’émission du liquide séminale constitue le premier maillon dans la chaîne d’évènements qui mènent vers l’établissement d’un lien avec Ar-Rihm (la matrice). L’humilité dans la prière est un prérequis essentiel du développement spirituel, certes, mais elle ne garantit pas que ce dernier se concrétisera inexorablement, tant et aussi longtemps qu’elle ne culmine pas avec l’établissement d’un lien avec Allah, le Miséricordieux.

Ce verset du Coran explique pourquoi certaines personnes pleurent à chaude larmes sans rien extraire quoi que ce soit de positif de leurs actes d’adorations. Au contraire, nombreux sont ceux qui en dépit de leurs sanglots et de leurs supplications pleines d’émotions et de ferveur régressent vers un état encore pire qu’auparavant. Ce phénomène s’explique par le fait que le suppliant ne s’est pas évertué à maintenir cet état d’humilité et de pathos jusqu’à ce que Miséricorde lui soit faite, ce qui rend ses efforts caducs. Telle est l’histoire chagrinante de ceux qui, certes, ont versé des larmes à un moment donné dans leur vie, mais qui par la suite ont été affligés d’une malédiction quelconque[10] qui les a engouffrés dans les abysses de ce monde éphémères et de ses plaisirs frivoles. Ainsi, L’état d’humilité et d’angoisse revêt en elle-même d’aucune valeur à moins qu’elle ne soit accompagnée de la miséricorde divine, tout comme le liquide séminale ne possède aucune valeur à moins qu’il n’établisse un lien avec la matrice.

Il est impératif de comprendre ce principe, car l’ignorance de certaines personnes fait qu’elles s’illusionnent que leurs larmes et leurs quelques psalmodies ont fait d’elles, du jour au lendemain, des amis de Dieu (Wali) et des Saints.[11] L’état d’humilité, tout comme son homologue séminale, est hautement précaire et est à fort risque de rester lettre morte pour multiples raisons. Tout comme une déficience dans le sperme entrave son potentiel évolutif qui est intrinsèquement lié à l’établissement d’un lien avec la matrice (rihm), l’état en apparence pleine d’humilité est souvent contaminé par l’idolâtrie, l’innovation ou les désirs frivoles.[12] Dans certains cas, les larmes que versent l’homme ne sont que les produits des vils penchants de son âme et sont motivées par la convoitise et l’avidité. Une humilité déficiente ne sera jamais en mesure d’établir un lien avec Le Miséricordieux (Rahim). C’est pour cette même raison qu’il est indubitable pour le voyageur spirituel de rectifier sa croyance et de reconnaitre le Véritable Dieu qui est à même de combler l’homme de Sa Miséricorde et de le permettre d’atteindre la vie éternelle. Les maux de l’âme comme la fierté excessive, l’arrogance et l’ostentation ou l’idolâtrie[13] sont pour l’être spirituel l’équivalent d’une déficience intrinsèque au liquide séminale qui entrave son potentiel de développement. L’établissement d’un lien avec Le Miséricordieux nécessite donc que l’homme s’évertue à se défaire desdits maux, sans quoi l’éventualité possible de titiller les hautes sommités du firmament spirituelle reste une utopie.

Cette conception constitue une réponse à ceux qui pensent que l’émotion qu’ils ressentent lors de leurs prières faites aux idoles de bois et de pierres ou à Jésus prouvent qu’ils sont sur le droit chemin. Rien n’est plus faux. Qu’une personne éprouve à une reprise durant sa vie un sentiment de plaisir lors de ses actes d’adorations n’indique pas nécessairement qu’il ait établi une véritable relation avec Dieu, tout comme le plaisir associé à l’émission du liquide séminale lors de la rencontre avec l’épouse ne prouve pas que la fécondation s’est nécessairement produite[14], en effet un plaisir similaire existe également chez la personne qui commet l’adultère…[15]

Les pleurs, les longues psalmodies, les incantations répétitives et le fait de crier des slogans ne disent rien sur la relation avec Dieu. Ceci est également une réponse à ceux qui crient « Allahu Akbar » avant de commettre des exactions et de perpétrer des atrocités au nom de Dieu. La passion qu’ils éprouvent ne révèle rien sur leur état spirituel et de leur lien avec le Miséricordieux. L’établissement d’une véritable relation avec Dieu, et l’évolution spirituelle, dépendent de ce qui se passe après que l’homme a fait preuve d’humilité et de ferveur dans la voie d’Allah. A suivre pour les prochaines étapes.


A propos de l’auteur : Sajid Ahmad Muslun est un étudiant qui vit à Ontario et membre de la communauté musulmane Ahmadiyya. Il étudie la Biochimie à l’université York. Il intervient également dans des émissions de la chaîne MTA.


[1] Barahin e Ahmadiyya Ruhani Khaza’in volume 21 p. 186-187

[2] Le Saint Coran. Sourate Al-Mu’minun versets 3-7.

[3] Barahin e Ahmadiyya Ruhani Khaza’in volume 21 p. 187

[4] Le Saint Coran. Sourate Al-Mu’minun versets 14-15

[5] Barahin e Ahmadiyya Ruhani Khaza’in volume 21 p. 187

[6] Barahin e Ahmadiyya Ruhani Khaza’in volume 21 p. 188

[7] Barahin e Ahmadiyya Ruhani Khaza’in volume 21 p. 187-188

[8] Barahin e Ahmadiyya Ruhani Khaza’in volume 21 p. 188

[9] Ibid.

[10] Barahin e Ahmadiyya Ruhani Khaza’in volume 21 p. 190

[11] Barahin e Ahmadiyya Ruhani Khaza’in volume 21 p. 191

[12] Barahin e Ahmadiyya Ruhani Khaza’in volume 21 p. 190

[13] Barahin e Ahmadiyya Ruhani Khaza’in volume 21 p. 192

[14] Barahin e Ahmadiyya Ruhani Khaza’in volume 21 p. 192

[15] Barahin e Ahmadiyya Ruhani Khaza’in volume 21 p. 193

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