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Appel d’un Imam à unir le Québec face à la haine

La mosquée d'Edmonton au Canada vandalisée.
La mosquée d'Edmonton au Canada vandalisée.
Ma mosquée d’Edmonton victime d’un acte de vandalisme : unissons-nous contre la haine.

Par Nabil A. Mirza, Imam de la communauté musulmane Ahmadiyya au Québec

Meurtri, dévasté, bouleversé, je ne sais quel mot utiliser pour décrire mon chagrin. Je ne m’étais pas encore rétabli de la triste nouvelle de l’attaque terroriste contre cinq membres d’une famille, fauchés par un véhicule à London en Ontario, que j’apprends que la mosquée Baitul Hadi d’Edmonton, une mosquée qui appartient à ma communauté, la communauté musulmane Ahmadiyya a été vandalisée.

Cela nous rappelle malheureusement que, même dans notre beau pays, le Canada, la haine fondée sur la foi est présente dans le cœur de certains Canadiens. Ces attaques sont le fruit d’un climat social délétère nourri par des polémiques et des polémistes autour du même sujet : l’islam et les musulmans. Par cette tribune, je voudrais en appeler à la reprise en main collective : nous tous, médias, citoyens, politiciens, avons une responsabilité eu égard à la manière dont nous écrivons l’histoire et la société de demain. Nous devons avancer unis, car les affres de la division ne vont apporter aucun élément de pacification au niveau de l’ordre public.

Nos politiques doivent comprendre que l’islam et les musulmans ne sont pas une faiblesse, mais un atout pour notre société. Le vrai leadership dans les moments difficiles exige à ce que nous nous élevions au-dessus de ce qui nous divise. Face à un drame national d’une telle ampleur, qui peut encore penser à faire de la politique ?

La mort de ces personnes a, certes, ravivé de douloureux souvenirs pour beaucoup d’entre nous, mais cela nous donne également une occasion de réaffirmer notre détermination à bâtir une société plus juste, plus unie et plus fière. Pour paraphraser l’ancien Premier ministre du Québec, M. Robert Bourassa, quoi qu’on en dise, le Québec est et sera reconnu pour ses spécificités, tant par sa langue que par son histoire. Ce caractère distinctif ne pourrait être une source de fierté que si nous œuvrions pour une société sans islamophobie, sans antisémitisme et sans racisme. Je vous appelle donc à une réconciliation avec nous-mêmes ; remplaçons les polémistes par ceux qui prêchent l’amour, remplaçons les politiques qui divisent par celles qui bâtissent un Québec uni et ouvert sur le monde.

Étant un imam, musulman pratiquant, je vous invite à venir vers nous : visitez ma mosquée, échangez avec les musulmans… vous verrez nous sommes beaucoup plus proches les uns des autres qu’on pourrait le penser. Ce dialogue doit caractériser le futur qui nous attend. À la suite de la crise sanitaire, qui nous a volés deux années de nos vies, l’avenir peut sembler incertain. Une autre crise économique à venir pourrait renforcer nos divisions : mais nous pouvons changer cela en entamant ce dialogue dès maintenant.

L’islamophobie est une épidémie. Il faut savoir la stopper quoiqu’il en coûte. Il faut savoir dire stop à cette haine qui finira par gangrener nos sociétés. Toutes les vies sont sacrées et mon cœur est encore sous le choc de la découverte dévastatrice de 215 enfants autochtones dans une fosse commune sur le site de l’ancien pensionnat de Kamloops.

Cette haine doit s’arrêter et pour que cela cesse, nous devons tout d’abord accepter que cette haine existe, que l’islamophobie, l’antisémitisme et la discrimination envers les autochtones existent. Sans accepter ce préalable, nous ne pourrons y remédier.

Terminons par ces paroles du chef de la communauté musulmane Ahmadiyya, Hazrat Mirza Masroor Ahmad :

« Nous observons que le monde est désormais devenu un village global. Les êtres humains sont étroitement liés les uns aux autres. Des gens de toutes nations, religions et cultures vivent dans tous les pays. Les dirigeants de tous pays se doivent donc d’apprécier et de respecter les sentiments de tous les peuples. Il sied aux leaders et à leurs gouvernements de créer des lois qui engendrent un environnement et un esprit de vérité et de justice, au lieu de formuler des lois qui causent détresse et frustration chez le peuple. L’on doit éliminer toute injustice ou cruauté, et chercher plutôt à lutter pour la justice véritable. »

Amour pour tous, haine pour personne.