Le 14 mai 1948, David Ben-Gourion proclame la naissance de l’État d’Israël. Immédiatement après cette déclaration, plusieurs États arabes, dont l’Égypte, la Jordanie, l’Irak, la Syrie et le Liban, se sont unis pour intervenir en Palestine. Une semaine après cet événement, un article prémonitoire de Hazrat Mirza Bashiruddin Mahmud Ahmad (r.a.) a été publié dans le journal Al-Fazl.
Le jour prédit depuis des siècles par le Saint Coran et les Hadiths, annoncé également par la Torah et la Bible, semble finalement être arrivé. C’est le jour redouté et douloureux pour les musulmans, marqué par le retour des Juifs en Palestine. Une situation étrange se dessine, où les États-Unis et l’Union soviétique, qui sont toujours prêts à s’entrégorger, s’accordent curieusement sur cette question. Il est également étrange qu’ils se soient mis d’accord sur le problème du Cachemire. Ils ont tous deux soutenu l’Union indienne et, aujourd’hui, ils favorisent tous deux les Juifs sur la question palestinienne.
L’Islam : la cible de tous ?
Leur unité sur ces questions suscite des interrogations : pourquoi cette alliance de ces deux ennemis contre les musulmans ? Bien que de multiples raisons puissent expliquer cela, une hypothèse de bon augure pour nous est qu’ils perçoivent tous les deux les progrès de l’Islam entraver leurs desseins. Comme des chiens se regroupent en présence de l’odeur d’un lion, peut-être s’unissent-ils de la même manière. Peut-être ont-ils la perspicacité de discerner les signes de la progression de l’Islam ; peut-être que le lion de l’Islam, qui nous apparaît en apparence endormi, commence à se réveiller, et peut-être l’ennemi a-t-il détecté un léger frémissement dans sa crinière, imperceptible pour ses alliés. Si tel est le cas, la situation dangereuse actuelle indique le futur progrès des musulmans, mais elle leur impose aussi une immense responsabilité.
Palestine et Cachemire
Il est assez extraordinaire de constater que les problèmes liés à la Palestine et au Cachemire ont débuté simultanément. De manière remarquable, les habitants de ces deux régions appartiennent à la même nation [Bani Israël – Peuple d’Israël]. Et ce qui est encore plus étonnant, c’est que certains de ces individus sont devenus musulmans, vivant aujourd’hui au Cachemire et bénéficiant de la sympathie de leurs concitoyens musulmans. Tandis que d’autres sont engagés dans une bataille meurtrière contre les musulmans pPalestiniens. Une partie de ce peuple offre des sacrifices au nom de l’Islam, tandis que l’autre offre des sacrifices pour éradiquer l’Islam. Au cours du conflit au Cachemire, nous avons souvent entendu le mot « Kasher », qui fait référence à une personne originaire du Cachemire. De même, dans le conflit palestinien, nous avons souvent entendu parler de la ville de Kashir, et le nom original du Cachemire était en fait basé sur le nom de cette ville, mais il a progressivement évolué pour devenir le Cachemire. Ou encore, une autre signification de « Kashir » pourrait être « similaire à la Syrie ».
Récemment, une manifestation a été organisée au Cachemire à l’occasion de la fête de l’indépendance, afin de montrer que le peuple cachemirien est sincèrement attaché à l’Inde. Un représentant de l’Union soviétique a spécialement participé à cette manifestation et a ainsi montré au monde que l’Inde avait son soutien en ce qui concerne la question du Cachemire. Pourquoi ? Seul l’avenir nous le dira, mais c’est le cas, comme le montre la présence du représentant russe.
La question du Cachemire revêt une importance capitale pour le Pakistan, tandis que la question de la Palestine est cruciale pour l’ensemble de la communauté musulmane. Toute injustice perpétrée au Cachemire a un impact indirect [sur les musulmans], mais toute injustice en Palestine a un impact direct.
La Palestine : au cœur de tout musulman
La Palestine est très proche de la dernière demeure de notre maître [le Saint Prophète (s.a.w.)]. Même de son vivant, malgré la gentillesse dont il faisait preuve à leur égard, les Juifs s’opposaient à lui de manière effrontée et éhontée par tous les moyens possibles. Ils furent à l’origine de nombreuses guerres. Ce sont eux qui ont incité Chosroes à tuer le Saint Prophète (s.a.w.) ; bien qu’ils aient été humiliés par Dieu Tout-Puissant, ils n’en ont pas moins révélé leur nature malfaisante. De même, ce sont eux qui étaient à l’origine la bataille du fossé – les Arabes ne s’étaient jamais unis auparavant car les habitants de La Mecque ne possédaient pas la capacité d’organisation nécessaire. En fait, tout cela était l’œuvre des Juifs qui avaient été exilés de Médine et qui avaient rassemblé tous les Arabes et les avaient ramenés à Médine. Dieu Tout-Puissant les avait humiliés de nouveau, mais ils n’ont épargné aucun effort de leur côté. Les habitants de La Mecque étaient les véritables ennemis du Saint Prophète (s.a.w.), cependant ils n’ont jamais tenté d’assassiner le Saint Prophète (s.a.w.) par la tromperie. Le Saint Prophète (s.a.w.) se rendit à Taïf et, conformément à la coutume de la ville, il renonça aux droits qui lui avaient été accordés en tant que citoyen de La Mecque. Mais lorsqu’il dut retourner à La Mecque, un de ses fidèles ennemis qui vivait à La Mecque lui vint en aide et lui garantit à nouveau ses droits en tant que citoyen de La Mecque. Il accompagna le Saint Prophète (s.a.w.) avec cinq de ses fils, entra à La Mecque et dit à ses fils : « Muhammad (s.a.w.) est peut-être notre adversaire, mais aujourd’hui, le caractère du peuple arabe exige que s’il souhaite revenir à La Mecque grâce à notre aide, nous devrions la lui accorder, sinon notre honneur sera terni ». Il instruisit ensuite à ses fils : « Si l’ennemi tente de l’attaquer, vous devez tous vous sacrifier avant que quiconque ne puisse l’atteindre »[2].
Tel était le noble ennemi arabe. En comparaison, ces malheureux Juifs, que le Coran déclare nourrir la plus grande inimitié à l’égard des musulmans, ont invité le Saint Prophète (s.a.w.) chez eux sous le couvert d’un traité de paix, puis ont jeté une meule de moulin du haut du toit pour tenter de le tuer. Dieu Tout-Puissant informa le Saint Prophète (s.a.w.) de ce complot qui s’en sortit indemne.[3] Une femme juive invita le Saint Prophète (s.a.w.) à un repas et lui offrit de la nourriture empoisonnée. Une fois encore, Dieu Tout-Puissant l’a sauvé[4], mais les Juifs ont dévoilé leurs véritables intentions. Aujourd’hui, ils souhaitent à nouveau former un gouvernement puissant près de Médine, avec peut-être l’intention d’avancer vers Médine une fois qu’ils se seront établis. Un musulman qui pense que cette possibilité est faible est lui-même faible d’esprit. Les Arabes comprennent cette réalité ; ils savent que les Juifs s’agitent actuellement pour expulser les Arabes des terres arabes. C’est pourquoi les Arabes ont oublié leurs disputes et leurs conflits et sont unis pour défier les Juifs. Mais les Arabes sont-ils assez puissants pour cela ?
Cependant, la question ne concerne pas uniquement les Arabes, car il est évident qu’ils ne sont pas suffisamment puissants. Ce n’est pas seulement une question de Palestine, mais de Médine, et non seulement de Jérusalem, mais de La Mecque elle-même. Il ne s’agit pas de Zaid ou de Bakr[5], mais de l’honneur du Prophète Muhammad (s.a.w.). Les opposants, malgré leurs désaccords, se liguent contre l’Islam. Alors que les musulmans ont d’innombrables raisons de s’unir, ne le feront-ils pas en cette occasion ? Les dollars américains et les manœuvres rusées des Soviétiques se combinent contre les pauvres Arabes. Comment les tribus arabes peuvent-elles résister à ces puissances qui n’ont pas pu être vaincues par l’Allemagne ? Il est temps de décider si nous devons périr individuellement, les uns après les autres, ou travailler ensemble avec diligence pour la victoire. Je crois que le moment est venu pour les musulmans de choisir entre une lutte finale ou d’éliminer tous les stratagèmes cachés visant l’Islam. Les forces aériennes de l’Égypte, de la Syrie et de l’Irak ne disposent que d’une centaine d’avions, cependant les Juifs peuvent facilement constituer une flotte dix fois plus importante, peut-être même avec un soutien aérien offert par les Soviétiques.
Qui est l’ami des musulmans ?
J’ai sans cesse rappelé aux musulmans que l’Union soviétique était leur ennemie jurée, mais ils n’y ont pas prêté attention. Quiconque arrive [à la tête du pays] regarde l’Union soviétique avec amour et place tous ses espoirs en elle. Pourtant, la réalité demeure : l’Union soviétique représente le plus grand adversaire des musulmans. Les États-Unis aident les Juifs pour obtenir leur vote, mais l’Union soviétique soutient les Juifs pour qu’ils puissent établir une base dans les pays arabes. L’attitude est la même, mais les motifs sont différents. En effet, le motif sous-jacent des Soviétiques est bien plus dangereux que les motifs qui sous-tendent les actions des États-Unis. Cependant, puisque les deux agissent de manière similaire, le monde islamique doit affronter à la fois les États-Unis et l’Union soviétique, mais avec sagesse, planification, unité et solidarité. Je suis convaincu que même aujourd’hui il y a suffisamment de musulmans dans le monde pour que personne ne puisse les vaincre s’ils se consacrent entièrement à cette cause. Mais Allah sait mieux que quiconque dans quelle mesure mes espoirs se réaliseront. Le conflit au Cachemire dure depuis huit mois maintenant, mais jusqu’à présent, les musulmans n’ont même pas traité ce conflit avec sagesse ou intelligence. Bien que le danger entourant la question palestinienne soit plus pertinent, il est plus lointain. Même s’il est plus important, dans quelle mesure peut-il réussir à raviver [les musulmans] ?
Les sacrifices : la clé du succès
Aujourd’hui, nos aspirations ne peuvent être atteintes par de simples résolutions ; elles exigent des sacrifices concrets. Si les musulmans du Pakistan souhaitent réellement agir, ils devraient demander au gouvernement de prélever ne serait-ce qu’un pour cent de leurs biens. Avec ce seul pour cent, le Pakistan pourrait générer au moins un milliard de roupies pour cette cause. Et avec ce 1%, beaucoup peut être fait pour atténuer les difficultés actuelles de l’Islam. Si le Pakistan prend cette mesure, les autres pays musulmans suivront également son exemple et cinq à six milliards de roupies pourront certainement être collectées, ce qui permettra d’acheter des ressources pour la Palestine, malgré l’opposition de l’Europe. Si nous payons deux roupies au lieu d’une, trois roupies au lieu de deux, quatre roupies au lieu de trois, cinq au lieu de quatre, nous devrions pouvoir les acheter quelque part et d’une manière ou d’une autre. L’intégrité des Européens a un prix, même s’il est élevé. Ces ressources peuvent être acquises, mais à un prix élevé. Mais pour faire une offre, il faut d’abord que nos poches soient pleines.
C’est pourquoi je lance un appel aux musulmans afin qu’ils prennent conscience de l’époque délicate dans laquelle nous vivons et qu’ils se souviennent des paroles du Saint Prophète (s.a.w.) :
الكُفْرُمِلًّةٌ وَاحِدَة
c’est-à-dire « les mécréants deviendront une seule nation », se réalisent mot pour mot. Les Juifs, les Chrétiens et les athées se sont levés ensemble pour anéantir le pouvoir et la puissance de l’Islam. Contrairement au passé, où chaque pays européen agissait individuellement contre les musulmans, aujourd’hui, toutes ces puissances sont unifiées dans leur attaque.
Unissons-nous tous pour nous opposer à eux puisque nous ne sommes pas en désaccord sur cette question. Évoquer d’autres sujets de désaccord est non seulement dénué de sens, mais également ignorant, puisque sur cette question cruciale, nous sommes tous en accord.
Invitation aux Juifs
Le Saint Coran adresse même les Juifs en leur disant :
قُلۡ یٰۤاَہۡلَ الۡکِتٰبِ تَعَالَوۡا اِلٰی کَلِمَۃٍ سَوَآءٍۢ بَیۡنَنَا وَ بَیۡنَکُمۡ اَلَّا نَعۡبُدَ اِلَّا اللّٰہَ وَ لَا نُشۡرِکَ بِہٖ شَیۡئًا وَّ لَا یَتَّخِذَ بَعۡضُنَا بَعۡضًا اَرۡبَابًا مِّنۡ دُوۡنِ اللّٰہِ
« Dis : « Ô Gens du Livre ! Venons-en à cette parole qui est commune entre vous et nous : que nous n’adorions qu’Allah, et que nous n’acceptions personne comme Son associé, et que les uns parmi nous ne prennent pas les autres pour seigneurs en dehors d’Allah. » » [6]
En dépit de leurs divergences, le Saint Coran encourage constamment la réconciliation avec les Juifs. À un moment où les fondements de l’Islam sont menacés, où les lieux saints des musulmans sont en danger, ne serait-il pas temps pour le Pakistan, l’Afghanistan, l’Iran, la Malaisie, l’Indonésie, l’Afrique du Nord et la Turquie de s’unir aux Arabes pour repousser cette attaque que les opposants ont lancée pour affaiblir le pouvoir des musulmans et déshonorer l’Islam ?
Il est indéniable que le Coran et les Hadiths indiquent que les Juifs devaient retourner en Palestine. Cependant, nulle part il n’est stipulé qu’ils y demeureront pour toujours. Il a été décrété qu’en fin de compte, la Palestine sera gouvernée par les « serviteurs vertueux d’Allah »[7]. Par conséquent, si nous adoptons la droiture, la première partie de cette prophétie pourrait se concrétiser en ce sens que les Juifs ont annoncé un État indépendant [en Palestine]. En revanche, si nous n’adoptons pas la droiture, cette prophétie s’étendra sur une période plus longue, ce qui constituera un revers préjudiciable pour les musulmans.
La clé de la victoire
Par conséquent, nous devons raccourcir au maximum la période envisagée par cette prophétie grâce à nos actions, nos sacrifices, notre unité, nos prières, nos cris et nos pleurs. Cela nous permettra de hâter l’époque où la souveraineté du Saint Prophète (s.a.w.) sera à nouveau établie en Palestine. Je crois fermement qu’en atteignant cet objectif, nous pourrons renverser la tendance croissante de l’opposition à l’Islam. Le christianisme connaîtra alors un déclin, tandis que les musulmans marcheront de nouveau vers une ère de grandeur et de gloire. Il est possible que ce sacrifice purifie également les cœurs des musulmans, les renforçant dans leur foi et les rendant indifférents aux séductions du monde. Ainsi, ils seront prêts à respecter et à vénérer Dieu et Son Messager (s.a.w.), ainsi que leur foi. Que leur déficience en foi se transforme en une foi inébranlable, leur incrédulité en croyance, leur léthargie en vitalité, et que leurs méfaits se transforment après une lutte continue.
Avec humilité,
Mirza Mahmud Ahmad
Chef de la communauté musulmane Aahmadiyya
Al-Fazl, 21 mai 1948, pp. 3-4
- Certains mots manquent dans la transcription originale en ourdou [The Review of Religions].
- Al-Tabaqat al-Kubra, vol. 1, (Beyrouth, 1985), 212.
- Sirat Ibn Hisham, vol. 2 (Égypte, 1295 de l’Hégire), 128-129.
- Sahih al-Bukhari, Kitab al-Hiba, Bab Qabul al-Hadiyyah min al-Mushrikin.
- Expression similaire à « Paul, Pierre ou Jacques ». [La Revue des Religions]
- Coran, 3 : 65.
- Coran, 21 : 106.
Commentaires récents