Par Asif Arif
Nombreux ont été les analyses, les billets, les poèmes, les cartes blanches qui ont été écrits suite à l’attaque du 7 octobre par le Hamas en Israël[1]. Aussi nombreux ont été les billets qui ont condamné la riposte disproportionnée[2] à tous égards, de l’État d’Israël, contre les ressortissants palestiniens. Nous avons désormais plusieurs fronts, aux portes de l’Europe – entre le conflit ukrainien et le conflit au Proche-Orient[3] – qui démontrent qu’il y a bien quelque chose dans nos opinions publiques internationales qui a failli et surtout qu’il y a bien un élément que nous n’avons pas su prendre en considération pour éviter de tels conflits.
En réalité, ce à quoi nous faisons face est une déliquescence du droit international public, mais également à un étiolement progressif des mécanismes onusiens qui soufflent leurs dernières bougies. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, nous nous sommes dotés de mécanismes importants tels que la Déclaration Universelle des Droits de l’Homme[4] ou encore des procédures onusiennes permettant à juste titre de sanctionner un État en raison des violations des droits de l’homme qu’il commet. Ces mécanismes sont prévus pour être opposables à chaque État. Toutefois, ils dépendent également du bon vouloir de ces mêmes États de bien vouloir se soumettre à ces derniers. La situation est similaire à un bailleur qui est soumis à son locataire qui occupe les lieux, et qui est dans l’impossibilité d’exiger de lui le paiement de son dû.
Lorsque nous analysons la riposte israélienne à Gaza, elle semble cocher toutes les cases de la violation des stipulations claires et sans équivoque de la convention relative aux génocides et aux crimes de guerre[5]. Pour autant, timides sont les déclarations officielles dans ce sens, alors qu’elles avaient été bien plus entendues lors de l’invasion de la Russie en Ukraine[6].
Le conflit actuel au Proche Orient a mis à mal deux éléments très importants dans la coordination internationale des droits fondamentaux. D’abord, on voit l’échec du système binaire entre l’assemblée générale des Nations Unies – qui vote à la grande majorité un cessez-le-feu – et le conseil de sécurité de l’ONU qui se compose de quelques États décidant en pratique de faire la pluie et le beau temps sur la scène internationale. Les condamnations multiples des instances de l’ONU à l’égard d’Israël auraient pu permettre une solution à deux États tant prisée par les dirigeants internationaux. Toutefois, cette solution semble être en apesanteur sans réellement de courage politique suffisant pour l’amener de nouveau dans le champ de la gravité. Ce flottement de principe est permis par une absence totale de vision réaliste de ce que sont les relations internationales aujourd’hui : un monde qui condamne le Hamas, mais également la réponse israélienne et un Occident qui s’entête à ne pas voter un cessez-le-feu. Ensuite, il s’agit de l’échec de la communauté internationale de transformer le droit international, qualifié aussi de droit mou ou soft law[7], en droit international actif qui s’accommode de ses règles afin d’entrer en voie de sanction contre des États.
Il est ainsi d’une clarté évidente que les sanctions contre la Russie ont été prononcées très rapidement et ont fait l’objet d’une campagne de diffusion véhémente pour dénoter l’injustice qui était faite contre le peuple ukrainien[8]. Or, dans le conflit au Proche Orient, les États et la scène internationale a adopté des pudeurs de gazelle avant d’entamer une demande officielle de cessez-le-feu. Pourtant, ni le bilan humain, ni le bilan humanitaire horrifiant ne manquent à l’appel. La raison de cet échec se trouve dans l’échec du droit international tel que conçut à la conclusion de la Seconde Guerre mondiale.
La seule solution proactive à ce conflit serait de redonner de l’équilibre aux relations internationales. Les Européens ont des relations difficiles avec la Russie ce qui les isole sur d’un point de géopolitique à se contenter des positions américaines. Or, il va de la survie de l’Union Européenne et des pays européens à l’échelle individuelle d’adopter une position souveraine sur la question. Plus particulièrement, si nous devions prendre l’exemple que de la France, elle devrait rejoindre une vision gaulliste du conflit avec une solution à deux États et une paix durable entre les deux nations. Ce défaut d’équilibre et de dissension sur la scène internationale nous donne l’image d’un acteur suiviste et médiocre des relations internationales. Or, ce rôle ne sied pas à la France, « ce vieux pays » comme le qualifiait Dominique de Villepin dans son fameux « non » à la guerre en Iraq.
Il est urgent qu’une vraie réforme de la vie politique s’engage afin que la politique ne soit plus le diktat des lobbys, mais bien sous le joug de la justice. En attendant, chaque jour nous assistons, impuissants, à l’image du droit international à bout de souffle, face au décompte du nombre de morts, d’enfants et de femmes dans ce conflit. Il est grand temps de se donner du courage.
À propos de l’auteur : Asif Arif est membre de la Communauté musulmane Ahmadiyya, avocat aux Barreaux de Paris et de Californie, et auteur spécialiste des questions de religions et laïcité.
[1] Communiqué du Quai d’Orsay – https://www.diplomatie.gouv.fr/fr/dossiers-pays/israel-territoires-palestiniens/actualites-et-evenements/2023/article/attaques-terroristes-contre-israel-declaration-de-la-porte-parole-du-ministere
[2] https://www.la-croix.com/international/Guerre-Gaza-riposte-disproportionnee-strategie-assumee-Israel-2023-11-17-1201291203
[3] https://carnegieendowment.org/politika/90945
[4] https://www.un.org/fr/universal-declaration-human-rights/
[5] https://www.un.org/en/genocideprevention/documents/atrocity-crimes/Doc.1_Convention%20on%20the%20Prevention%20and%20Punishment%20of%20the%20Crime%20of%20Genocide.pdf
[6] https://www.hrw.org/news/2022/04/03/ukraine-apparent-war-crimes-russia-controlled-areas
[7] https://www.cairn.info/revue-interdisciplinaire-d-etudes-juridiques-2011-1-page-41.htm
[8] https://commonslibrary.parliament.uk/the-un-general-assembly-condemns-russia-but-what-can-it-actually-do/
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