Ramadan

Que signifie pratiquer le Ramadan ?

La visibilité de la lune et le Ramadan
Le Ramadan n’est pas un mois de restrictions ; il s’agit d’une délivrance pour le croyant.

Par Asif Arif

Nombre d’entre nous sommes bien informés du Ramadan, ce mois qui intervient une fois par an dans le calendrier lunaire des musulmans et qui donnent l’occasion aux médias de souhaiter un excellent mois du jeûne aux musulmans mais également de soulever, par la même occasion, quelques polémiques.

           Nous oublions toutefois assez souvent la raison d’être de ce mois béni et comment nous devons aborder ce mois du Ramadan. Alors que certains deviennent les arbitres du « tu n’as pas le droit de », il faut noter que le Ramadan n’est pas un mois de restrictions ; il s’agit d’une délivrance pour le croyant.

            Le croyant est appelé à s’affranchir du péché, des attaques sataniques qui écorchent son âme ; il est appelé à s’affranchir de l’emprise mondaine et matérialiste afin de donner libre court à sa spiritualité. Le croyant est appelé à s’affranchir des formes modernes d’esclavage et se restreindre. La restriction – qu’elle soit alimentaire, matérielle ou spirituelle – n’a elle, encore une fois, pas vocation à mettre le croyant à genoux : elle a pour objectif de le délivrer durablement contre les attaques mondaines et les aspirations futiles.

            Le Ramadan s’inscrit ainsi dans un double dynamisme : libérer l’Homme des attaques que mènent le monde matériel sur son corps mais également libérer l’Homme afin qu’il puisse atteindre les hauteurs espérées par Dieu. On peut aisément entretenir l’idée de nous libérer physiquement en ce sens que la privation entraîne de facto une condition de libération des tentations mondaines. Mais comment concevoir une ascension spirituelle, à savoir celle de son âme qui est la matière fondamentale, terme emprunté aux physiciens, de notre âme ?

            Au fond, comme beaucoup de musulmans vivant en Occident, nous sommes accaparés par une société qui laisse peu – ou plus – de place à la connaissance de notre propre âme. Trop empêtrés par l’empire de nos désirs, nous ne concevons plus l’idée de donner du temps à comprendre notre âme (nāfs). Et notre âme souffre également, autant qu’elle s’émeut de bonheur car elle directement liée à nos actions (amāl). En l’oubliant, nous la faisons souffrir, car nous n’en prenons pas soin, nous ne répondons pas à ses besoins.

            Une des fonctions du Ramadan est justement d’oublier les désirs physiques, d’y mettre un terme afin de sentir les besoins de l’âme. Sans compréhension de son âme, nous ne pouvons pas comprendre ce qu’est la spiritualité et nous ne pouvons pas comprendre les chemins qui mènent à Dieu. Aucun auteur n’a pu théoriser les besoins de l’âme aussi brillamment que l’a fait Hadhrat Mirza Ghulam Ahmad. Il faut revenir sur sa conception de l’âme pour pouvoir évoluer dans notre spiritualité.

            Hadhrat Mirza Ghulam Ahmad note d’abord dans son ouvrage Philosophie des Enseignements de l’Islam que l’âme n’a pas une nature figée ; elle est évolutive. C’est la raison pour laquelle je mentionnais plus haut que l’âme va se mouvoir au gré de nos amāl (actions) et façonner ses évolutions en fonction de nos actes. Après avoir noté que l’âme évolue, qu’elle se forge au gré de son évolution, il fallait déterminer combien d’étapes il existe pour que cette âme atteigne l’étape suprême car si Hadhrat Mirza Ghulam Ahmad note que l’âme se façonne dans plusieurs étapes d’évolution, il précise que ses évolutions peuvent atteindre un stade ultime.

            Hadhrat Mirza Ghulam Ahmad affirme que le premier stade de l’âme est celui de l’âme qui incite au péché. Aussi, pour expliquer cette première de l’âme (Nāfs-i-Ammarah), il se fonde sur le chapitre 12 verset 54 (sourate Yūsuf) du Coran qui soutient : « Et je ne prétends pas être exempt de toute faiblesse ; l’âme est assurément portée au mal, sauf celle à laquelle mon Seigneur accorde sa Miséricorde ».

            Comme le soutient Hadhrat Mirza Ghulam Ahmad, cette étape de l’âme est en réalité l’antithèse de l’âme morale et s’oppose au perfectionnement de son ascension.

Ainsi, lorsque notre âme est dans cette catégorie, elle s’applique à nous maintenir dans un état de maladie spirituelle que l’on peut comparer à un cancer. Si je devais schématiser de manière simple, un cancer consiste dans la multiplication des cellules – lesquelles deviennent cancérigènes – alors que celles-ci sont supposées mourir. À l’image d’un cancer, cette étape de l’âme nous empêtre dans nos désirs les plus sombres et multiplie ces désirs de sorte que l’âme ne sort jamais de cette étape sauf s’il, comme le soutient Hadhrat Mirza Ghulam Ahmad, ne se dote pas de la Raison et de la compréhension.

Finalement, il s’agit de l’Homme à l’état animal qui, sans raison, n’est guidé que par des désirs aveugles et sans consistance ou émotion. Dans le monde actuel, nous vivons un cancer généralisé de nos âmes qui, à force d’être éprouvées et saturées par nos désirs matériels, sont les victimes des assauts de la Nāfs-i-Ammarah. Si nous sommes conscients de cet état de fait au début de notre mois du Ramadan, nous pouvons y remédier pendant ce mois béni car le Ramadan a un avantage stratégique pour le croyant : comme le soutient le Prophète Muhammad, pendant le mois du Ramadan, les portes de l’enfer sont fermées et les portes du Paradis sont grandes ouvertes.

Si la pratique du jeûne nous absout, pendant un mois, de l’empire de nos désirs, Dieu nous a également montré la voie pour une progression plus importante, plus majestueuse que la simple mise de côté de nos désirs : Dieu nous ouvre la voie de la progression de nos âmes. Nous évoquerons, dans un prochain article, la deuxième étape de l’âme et de ce qu’elle induit et nous essaierons d’accompagner, pendant tout le mois du Ramadan, le lecteur à travers un voyage : celui la relation vivante avec son Seigneur.

Permettez-moi de souhaiter à tous un excellent mois du Ramadan 2022.


À propos de l’auteur : Asif Arif est membre de la Communauté musulmane Ahmadiyya, avocat au Barreau de Paris, et auteur spécialiste des questions de religions et laïcité.