D’aucuns critiqueront d’emblée le titre de cette opinion concernant la Jalsa Salana que j’écris dans les colonnes de la Revue historique de la Communauté Musulmane Ahmadiyya, la Revue des Religions. Ils diront que le titre est partial, qu’elle évoque les musulmans dans leur ensemble sans faire la distinction entre les Ahmadis et les autres.
C’est précisément ce que je souhaitais éviter par cette tribune. Je crois sincèrement que la Jalsa Salana, convention annuelle historique des Ahmadis qui se déroule sur trois jours, est fondamentale pour les musulmans Ahmadis et essentielle pour les musulmans dans leur ensemble. Combien de mouvements musulmans ont l’occasion d’écouter, pendant trois jours, des discours sur la relation vivante qu’un musulman doit entretenir avec Dieu, des récits du Prophète de l’islam, Mohammadsa, à couper le souffle ou encore des récits qui démontrent que l’islam est une religion vivante aujourd’hui, comme elle le fut jadis.
Les savants musulmans ont décrété de longue date que Dieu parlait aux hommes par le passé et que désormais il a arrêté. La Jalsa Salana est la preuve vivante que ces savants ont non seulement tort mais également que tout musulman, sincère et dévoué, peut faire l’expérience de l’existence de Dieu en partageant trois jours avec les musulmans Ahmadis dans le cadre de cette convention. C’est la promesse qui a été faite par le fondateur de la Communauté Musulmane Ahmadiyya, Hadhrat Mirza Ghulam Ahmadas. Beaucoup d’invités, qui ont jadis participé à cette Jalsa Salana, se sont rendu compte de la fraternité qui s’en dégageait et de l’unité qui pouvait y régner.
C’est aujourd’hui une invitation ouverte que nous adressons aux musulmans du monde. L’expérience de la Jalsa Salana est une étape cruciale pour ceux qui estiment que Dieu ne parle plus ; qu’Il a décidé de ne plus se manifester parmi nous. Beaucoup d’entre nous évoqueront des raisons théologiques : la fin du prophétat correspond à la fin de la communication divine ou autres raisons de nature « technique ». Mais ce que les musulmans Ahmadis invitent à faire à travers cette Jalsa Salana c’est une expérience pratique en oubliant les principes théoriques qui sévissent depuis de trop nombreuses années, véhiculés par certains « érudits » musulmans.
Le premier jour est passé et les lecteurs ont déjà raté un discours d’une exceptionnelle précision sur la Taqwa (la crainte de Dieu) qui a été délivré par le Représentant actuel de la Communauté Musulmane Ahmadiyya, Hazrat Mirza Masroor Ahmad. Ce que nous apprend cette fameuse Jalsa Salana c’est de sortir de notre routine de travail et nous concentrer sur les raisons pour lesquelles nous sommes présents sur Terre. La pandémie, qui a forcé nombre d’entre nous à se confiner, est un puissant vecteur de réflexion si elle est correctement affrontée à titre individuel ; elle a pu permettre à certaines personnes de se concentrer sur eux-mêmes, sur les raisons de leur existence, sur la vie et également sur la mort. La perte d’un être cher, pendant cette période trouble, a également parfois eu un effet de méditation sur certains individus.
Alors que nous vivons dans une société qui se sécularise et qui cherche à trouver des concepts fondamentaux pour combler le vide que les sociétés sécularisées laissent sur la question du rapport de l’Homme à Dieu et le rapport de l’Homme à la mort, la Jalsa Salana permet de répondre à ce vide. Elle ne va pas répondre à ce vide par un autre argument facétieux ou par un nouveau principe philosophique de remplacement. Elle va combler ce vide à travers l’exercice pratique de la fraternité, de l’altruisme, de la réflexion, de la prière et du respect de tous et de l’amour que chacun peut porter à l’autre.
La Jalsa Salana nous extirpe de la vie matérielle parfois bien trop pesante dans nos quotidiens : nous pensons tous, moi le premier, à comment on va nourrir nos enfants à la fin du mois, comment nous allons payer nos mensualités de crédits, comment nous allons retourner à notre travail lundi en étant déjà épuisé moralement par la crise sanitaire. Or, la Jalsa Salana est l’occasion pour les musulmans de puiser des forces dans ce qui nous toujours rendus plus fort : la croyance ferme en Dieu et l’unité entre les musulmans.
Si la Jalsa Salana est cette année réduite par le nombre en raison du variant Delta qui est deux fois plus contagieux, sa puissance spirituelle n’a pas été réduite par deux en raison de la crise sanitaire, bien au contraire. Une pluie sans précédent s’abat actuellement au Royaume Uni, précisément à l’endroit où cette Jalsa Salana a lieu et pour autant, elle n’a jamais enlevé une once de détermination chez tous ceux, qu’il convient de saluer ici, qui sont actuellement en première ligne pour accueillir les invités.
Si la pandémie est là, le Jalsa Salana est également là. Si la dépression vous gagne, nous vous proposons un remède qui est celui de la fraternité et de l’altruisme intrinsèquement lié à l’islam que nous, musulmans, pratiquons. Si la pandémie vous a éloigné de Dieu, la Jalsa Salana vous propose de vous en rapprocher. Si la pandémie vous a rendu morose, la Jalsa Salana est là pour vous donner le sourire.
À moi, même si je n’y suis pas cette année, elle me fait monter les larmes aux yeux mais elle me redonne aussi la vie.
À propos de l’auteur : Asif Arif est membre de la Communauté musulmane Ahmadiyya, avocat au Barreau de Paris, et auteur spécialiste des questions de religions et laïcité.
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