Islam et écologie : un choc des titans ?

Par Asif Arif

            Entre la Turquie, la Grèce, la Californie, l’Algérie et bien d’autres régions à travers le monde, on s’aperçoit que le monde vit fragilement, exploite la Terre à outrance, l’épuise au fur et à mesure que notre Terre se fait de plus en plus vieille. Si l’enjeu de ce jour est le climat, celui de demain sera celui de l’eau et de nombreux ouvrages traitent déjà de la délicate question de la « géopolitique de l’eau ».

            Face à tout cela, quelle attitude doit-on avoir, nous, musulmans ? Au final, nous sommes les acteurs passifs des tragédies qui se déroulent devant nos yeux, que l’on peut aisément qualifier de spectacle à ciel ouvert. L’Humanité nie, ouvertement, les signes de Dieu. Car, comme le répète le Calife de la Communauté Musulmane Ahmadiyya, Hadhrat Mirza Masroor Ahmad, ces calamités ne sont que des appels de Dieu à revenir à une vie plus morale, plus juste et plus modérée.

            D’abord, il est certain que la prière demeure l’outil majeur à la disposition de tout musulman afin de pouvoir supplier son Créateur de mettre un terme à ces calamités. Au-delà de prier, qui est une évidence et s’inscrit comme une obligation à l’endroit du musulman, le défi majeur est celui de l’action concrète. Comment agir pour l’environnement ? Il convient d’emblée de noter que le Coran contient d’innombrables références à l’eau, à l’air et au domaine biologique. Ces versets sont essentiels pour la compréhension de ce que représente l’environnement pour les musulmans. Par ailleurs, les musulmans n’ont pas attendu le XXIème siècle pour comprendre l’importance que revêt l’environnement pour eux ; le Prophète de l’islam en avait déjà dessiné les contours les plus importants.

            Le Prophète de l’islam a fait attention aux moindres détails concernant l’environnement. Il soutient notamment dans une tradition rapportée par Muslim que « Toutes les fois qu’un musulman plante un arbre ou sème un champ et qu’un être humain, une bête ou une autre créature viennent en manger, il lui sera compté comme aumône tout fruit qu’on en mange. » Du plus petit détail de l’environnement et de l’écologie, le Prophète de l’islam était au fait.

            Le Prophète Muhammad (as) a toujours déconseillé le gaspillage alimentaire et a toujours enjoint de manger avec modération. En cet ère post-moderne, les pays les plus riches sont souvent ceux qui gaspillent le plus, générant ainsi famines et disparités dans le monde. Lorsque les excédents de stocks sont brûlés alors qu’ils pourraient être redistribués, que fait-on sinon détruire le système écologique naturel mis en place ?

            Le Prophète de l’islam accordait une grande importance à la gestion des déchets. La gestion des déchets est une problématique étatique récente dans les pays occidentaux et elle commence à un niveau individuel. Le Prophète de l’islam, en enlevant les déchets par terre, appelait la conscience de chaque musulman à en faire de même et établissait, par ce même habitus, une gestion à une échelle globale avec des comportements individuels responsables. Alors qu’aujourd’hui, l’écologie, largement surpassée par la question du plastique qui pollue véhément les océans, consiste essentiellement à tenir tête aux populations afin qu’elles trient leurs déchets et qu’elles ne les jettent pas les rues (faisant ainsi acte d’incivilité), le Prophète de l’islam avait déjà adressé cette question. Il est rapporté dans Bukhari que : « L’Imân (la foi) comprend plus de soixante-dix branches. La meilleure d’entre elles (consiste à) dire « lâ ilâha illallâh – Personne n’est digne d’adoration à part Allah » et la plus basse consiste à écarter de la rue tout ce qui peut nuire aux gens. Et la pudeur est une branche importante de l’Imân. »

            Le Prophète de l’islam avait également une grande conscience de l’importance de l’agriculture et du respect que l’on devait aux cultivateurs tant ils maitrisaient un art important. Aussi, dans de nombreuses Traditions, il est rapporté que « quiconque cultivera une terre en friche sera récompensé ».

            En fin de compte, à la question de savoir comment s’engager pour l’écologie, le Prophète de l’islam y a répondu depuis 1400 ans, sans que nous prêtions réellement attention à ce qu’il a enseigné. Il suffit de suivre ses pas, commencer par des petits gestes de la vie de tous les jours puis éventuellement se construire une conscience écologique. Si cette conscience ne doit pas aller jusqu’à faire des opérations coup de poing comme celles menées par Greenpeace, elle peut amener un musulman à évoluer dans sa foi et à comprendre ce que Dieu nous a offert sur la Terre.

            Dieu ne dit-Il pas répétitivement dans la sourate Al Rahman : « Lequel donc des bienfaits de votre Seigneur nierez-vous ? ».

À propos de l’auteur : Asif Arif est membre de la Communauté musulmane Ahmadiyya, avocat au Barreau de Paris, et auteur spécialiste des questions de religions et laïcité.