Mohammad

Réponse du Saint Prophète Mohammad (sa) à l’islamophobie

Calligraphie du nom du Prophète de l'Islam
Dans plusieurs pays, les actes islamophobes se multiplient. Entre les pouvoirs publics qui appellent les musulmans à réformer leur religion, au prix de l’abrogation de certains versets réputés « contestables », et les musulmans eux-mêmes qui, en raison de leur déficit d’organisation, peinent à trouver une réponse constructive face à la montée des populismes et de l’islamophobie en Occident, personne n’a tenté de regarder vers le fondateur de l’Islam, le Saint Prophète Mohammad (sa).

Partons d’un postulat intellectuel de départ qui satisfera bon nombre d’intellectuels qui estiment que le terme islamophobie vise simplement à maquiller une interdiction du blasphème (I). Ce postulat établit, il nous permettra d’entrer dans le vif du sujet à savoir comment le Saint Prophète Mohammad(sa) a vécu l’islamophobie qui était présente à La Mecque et à Médine (II) avant de conclure sur la position possible des musulmans sur le sujet aujourd’hui (III).

I. « Islamophobie », autopsie d’un terme controversé

Afin de pouvoir appréhender une position intellectuelle, il faut comprendre la nature des débats qui traversent actuellement la notion d’islamophobie. Certains intellectuels français pensent que ce terme ne fait que masquer une interdiction du blasphème et que cette position est menée par les défenseurs d’un Islam politique (A). D’autres pensent, au contraire, que l’islamophobie renvoie à un ensemble de faits discriminatoires – pouvant même traduire une nature délictuelle ou criminelle – que subissent les musulmans (B) depuis les attentats du 11 septembre 2001. Une fois ces positions appréhendées, nous pourrons déterminer la nôtre pour la suite de ce papier (C).

A. Islamophobie renvoie à l’interdiction du blasphème

Comme évoqué, plusieurs intellectuels estiment que la notion d’islamophobie renvoie directement à l’interdiction de critiquer voire de moquer ou ridiculiser l’islam. Se fondant ainsi sur la liberté d’expression prévue par la Déclaration des droits de l’homme et citoyens de 1789 ainsi que par la Convention européenne des droits de l’homme, ils estiment cette même liberté en danger puisque qualifier tous les actes anti-musulmans comme « islamophobes » revient, selon eux, à l’interdiction de critiquer l’islam. 

Ces mêmes intellectuels vont également s’appuyer sur l’attentat de Charlie Hebdo qu’ils estiment être un attentat contre la liberté d’expression telle qu’elle avait été exprimée par le passé par le journal satirique. À la dimension juridique s’ajoute ainsi un argument purement émotionnel, convoquant davantage les instincts qu’une analyse raisonnée et scientifique du sujet. En réalité, il est très difficile d’envisager que le terme islamophobie est un rétablissement du « délit de blasphème » qui a été abrogé depuis bien longtemps par les démocraties occidentales, et cela à plusieurs titres.

D’abord parce que tout élément factuel qui serait contraire à une liberté est soumis à la critique du juge judiciaire qui est compétent pour éventuellement censurer une atteinte à une liberté. Il suffirait ainsi pour ceux qui estiment que le délit de blasphème est rétabli de saisir un juge pour que sa décision fasse jurisprudence. Par ailleurs, la critique de l’Islam ne semble pas s’éteindre depuis les attentats. Au contraire, elle cristallise toutes les tensions dans bon nombre de pays, dont la France. Une infographie ayant largement circulé sur les réseaux sociaux démontrait qu’en réalité la critique de l’Islam a une place de premier rang dans les magazines et quotidiens français. Ces magazines favorisent une approche qui se rapproche souvent de l’amalgame et ne reflète pas l’image des musulmans dans leur ensemble.

C’est également une des raisons qui fait que les musulmans ne se sentent pas – ou mal – représentés en France. Ce malaise se traduit par les attaques régulières contre leur religion et contre lesquelles ils ne peuvent pas grand-chose, en raison précisément de la liberté d’expression à laquelle les tribunaux donnent une vocation très large. Il s’avère ainsi discutable de prétendre que le blasphème est rétabli par le truchement du terme islamophobie.

B. Islamophobie comme élément d’analyse des discriminations

L’autre postulat sur la nature de ce terme vise exclusivement les actes discriminatoires, les actes délictuels ou criminels à l’endroit des personnes – supposées et avérées – appartenant à la communauté musulmane. Loin de représenter une liberté, l’islamophobie représenterait la commission d’une discrimination claire à l’endroit des musulmans en raison de leur appartenance – réelle ou supposée – à une religion.

Cette analyse pousse également – comme souvent en matière de droits de l’homme – à donner à ces discriminations une dimension systémique afin de favoriser une certaine attitude de l’État face à ces discriminations (nous pensons notamment aux affirmative actions concernant les noirs des États-Unis, par exemple). Cette position concernant la définition du terme islamophobie est quant à elle liée à la liberté religieuse ou à la liberté de conscience. Cette liberté justifie à ce qu’on ne porte pas atteinte à la religion de l’Autre.

Elle semble épouser davantage la réalité du combat contre les discriminations pour une raison sémantique et juridique. La raison juridique a bien été exposée ci-dessus puisque le terme vise une catégorie fermée d’actes contraires à la loi. La raison sémantique trouve davantage sa source dans le combat militant. Prenons l’exemple du terme antisémitisme. Alors qu’il vise la catégorie des Sémites (dans lequel nous pouvons inclure les Arabes), sa réalité couvre les discriminations commises à l’endroit des juifs parce que juifs. Le terme islamophobie a la même vocation ; il signifie quelque chose et renvoie à une étymologie forte de sens qui est nécessaire dans le domaine des discriminations.

C. Le postulat de notre article

Dans le cadre de ce papier, nous allons penser l’islamophobie comme la commission d’une discrimination claire à l’endroit des musulmans en raison de leur appartenance – réelle ou supposée – à une religion. La particularité de notre approche se situe dans la chronologie de celle-ci, puisque nous remontrons à l’époque du Saint Prophète Mohammad(sa), ce qui n’a, à notre connaissance, pas été analysé jusqu’à ce jour.

II. La réponse à l’islamophobie contre le Saint Prophète de l’islam

Le Saint Prophète Mohammad(sa) a réellement subi l’islamophobie de la part des mecquois (A). Ces persécutions se sont poursuivies lorsque celui-ci s’est rendu à Taïf (B). Malgré ces persécutions, il a concédé de grandes chartes proclamant des libertés inaliénables et sacrées (C).

A. Les persécutions à la Mecque

Il faut savoir que sous l’ère préislamique, l’Arabie était foncièrement polythéiste et la société fonctionnait selon des rites enseignés de génération en génération. Dès lors que le Prophète de l’Islam amena l’Islam comme religion monothéiste, les persécutions les plus féroces ont été menées contre les musulmans. Ces persécutions allaient d’un blocus alimentaire, jusqu’aux tortures infligées aux compagnons du Prophète de l’islam.

La véritable question est : Comment le Saint Prophète avait-il réagi face aux attaques perpétrées à l’encontre de ses compagnons ? Comment avait-il réagi pour contrecarrer cette islamophobie qui sévissait à La Mecque ? Une chose est sûre, il n’a jamais pris les armes. Au contraire, il a démontré que les enseignements pacifiques de l’Islam suffisaient pour changer la vision des opposants sur l’islam. Prenons l’exemple de cette femme qui jetait des détritus sur le Prophète de l’Islam à chaque fois qu’il passait dans sa rue. Un jour, alors que le Prophète passait dans cette même rue, il s’aperçut que cette femme ne lui avait pas jeté de détritus, il s’en alla donc prendre de ses nouvelles s’inquiétant pour sa santé. Lorsque la femme eut la visite du Prophète de l’islam, elle était effectivement malade. Ce geste du Prophète de l’Islam la toucha tant qu’elle décida d’accepter le message de l’islam.

À une autre occasion, voyant une femme porter de lourdes courses sous les bras, le Prophète de l’Islam se précipita vers elle lui proposant son aide et de l’accompagner jusque chez elle. Cette vieille femme n’avait jamais vu le visage du Prophète de l’islam. Pendant tout le chemin qui la menait chez elle, cette vieille femme s’indignait du magicien au nom de Mohammad qui sévissait à La Mecque et qui se prétendait Prophète. Elle en parlait à voix haute, informant le Prophète lui-même de faire attention à ce magicien. Lorsque la femme arriva chez elle, le Prophète de l’Islam lui révéla la vérité en l’informant qu’il était ce magicien au nom de Mohammad. C’est alors que cette femme le regarda et, constatant qu’il ne la réprimanda pas malgré toutes les insultes qu’elle avait dirigées contre lui, elle s’exclama : « Ô Mohammad ! Aujourd’hui ta magie a fonctionné sur moi, et j’entre dans l’islam, la religion de la droiture ».

En conséquence, malgré les persécutions, le Prophète de l’Islam n’a jamais répondu par des protestations mais s’est toujours empressé de défendre le vrai message de l’islam, qui est celui de l’humanisme et de la bienveillance.

B. Les persécutions à Taïf

On pourrait penser que ces faits qui ont été évoqués plus haut ne relèvent pas de l’islamophobie en raison du fait qu’ils ne sont pas des délits. Il serait ainsi pertinent de relater l’événement de Taief’ qui est déterminant pour comprendre à quel point le Prophète de l’Islam a toujours privilégié l’amour sur la réponse violente face à l’islamophobie qu’il subissait. 

Alors que le Prophète de l’Islam s’était mis en marche en direction de Taïf afin de propager le message de l’unicité de Dieu et tentait de trouver une ville qui serait à son écoute, son attention se dirigea vers cette ville voisine de La Mecque. À son arrivée, les habitants de cette ville lui réservèrent un des sorts des plus atroces en lançant à sa poursuite des vagabonds et des chiens errants afin qu’ils le chassent de la ville. Les jeunes enfants de cette ville lui administraient des claques s’exclamant « c’est lui qui se prend pour un Prophète ».

Alors que le Prophète de l’Islam tentait de fuir cette ville, ses pieds étaient couverts de sang suite aux blessures qu’il avait subies. Tentant de s’échapper, ses pieds ne faisaient que glisser sur ses chaussures sous l’effet du sang qui y coulait. C’est alors, que voyant la situation de son Prophète, Dieu envoya l’ange Gabriel avec la solution suivante : « Ô Prophète d’Allah, si tu m’en donne l’autorisation, Allah m’a permis de joindre les deux montagnes encerclant cette ville écrasant ainsi tout ce qui se trouverait entre elles. »

Si le Prophète de l’Islam avait répondu par la positive, la ville aurait été détruite à jamais. Mais face à cette islamophobie, le Prophète de l’Islam répondit par la négative en soutenant que peut-être parmi ces persécuteurs certains accepteront plus tard le message d’Allah. Cette réponse est à la hauteur de la majesté du Prophète de l’islam. Cet homme, qui avait subi les pires humiliations, avait quand même fait prévaloir son humanité face aux monstres qui l’avaient attaqué.

C. Les grandes chartes concédées à Médine

Malgré l’islamophobie et la haine des mecquois à l’égard de l’Islam en tant que religion, et des musulmans en tant qu’individus ayant décidé de croire en cette religion, le Prophète de l’Islam ne concéda rien à la violence. Au contraire, ses différentes initiatives ont toujours visé à œuvrer pour le bien commun en concédant notamment la Charte de Médine ou encore la Charte des moines de Sainte Catherine du Mont Sinaï.

Ces deux chartes rappellent la majesté avec laquelle le Prophète de l’Islam dirigea l’ensemble des citoyens de Médine lorsqu’il obtint la légitimité d’une autorité, leur laissant à la fois la faculté de pratiquer librement leur culte, d’être jugé en fonction de leur pratique rituelle, mais également d’être défendu par la ville dans son intégralité. Il a ainsi refusé la logique clanique pour mettre en œuvre une défense commune.

Lorsqu’il s’adressa aux moines de Sainte Catherine du Mont Sinaï, le Saint Prophète alla également jusqu’à informer les musulmans d’aujourd’hui et de demain qu’ils ont pour obligation de protéger les chrétiens. C’est ce message dont semble avoir désespérément besoin ceux qui persécutent actuellement les chrétiens d’Orient.

III. Les musulmans entre revendications et prières

Aujourd’hui, la réponse à l’islamophobie se transforme en raison de la mutation de la société en tant que telle. Nous sommes passés d’une société où les gens se côtoyaient à une société digitale, où tous les outils peuvent être mis au service d’une islamophobie sans raison. Il faut ainsi penser une réponse commune (A) et nous conclurons ainsi notre papier (B).

A. Penser une réponse commune

Il semble complexe de penser une réponse commune dans une religion où l’agrégat des pratiques, des courants de pratique et même les affiliations changent. Pourtant, les opposants à l’Islam ont trouvé un système rhétorique très efficace pour anéantir l’unité : parler d’islamisme. Ce terme, sans jamais être concrètement défini ou encore organiquement rattaché à une forme institutionnelle de pratique de l’Islam (à part aux « frères musulmans » dont on entend parler mais qui ne se sont jamais revendiqués comme tels) rend difficile le fait de pouvoir définir une position commune.

Or, l’exemple du Saint Prophète nous démontre en réalité que ce ne sont pas les manifestations publiques ou la violence qui ont mené au succès de l’islam. C’est davantage le comportement individuel de chaque musulman. C’est ce même propos qui est partagé par la communauté musulmane Ahmadiyya qui met l’emphase, à travers son Calife actuel, Hazrat Mirza Masroor Ahmad, sur le fait de favoriser un comportement exemplaire, et d’aller à la rencontre des personnes à l’image du Saint Prophète.

B. Conclusions

Si malgré nos efforts répétés pour appeler la société à plus d’intelligence, les calculs politiques priment sur la paix sociale, alors ces gouvernements ne pourront s’en prendre qu’à eux-mêmes. Pour paraphraser Martin Luther King, ce dernier disait qu’une injustice quelque part affecte la justice de toute part. C’est exactement le message véhiculé par le Saint Coran.

En effet, Dieu dit dans le Saint Coran (Chapitre 5, verset 9) :

Ô vous qui croyez ! Soyez fermes dans la cause d’Allāh en portant témoignage avec justice. Et ne laissez pas l’hostilité d’un peuple vous inciter à agir autrement qu’avec justice. Soyez toujours équitables, car l’équité est plus près de la piété. Et craignez Allāh. Assurément, Allāh est Très-Conscient de ce que vous faites.


À propos de l’auteur : Asif Arif est avocat au Barreau de Paris et conférencier intervenant sur les questions de fait religieux, de terrorisme, d’Islam et de laïcité. Il est l’auteur de plusieurs ouvrages dont « L’Ahmadiyya, un Islam interdit », « Être musulman en France » et « Outils pour maîtriser la laïcité ».

@AsifArifMa

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