Histoire

La peste : signe en faveur du Mahdi

La bacille de la peste.
La bactérie Yersinia pestis, responsable de la peste bubonique.
Mirza Ghulam Ahmad (as) annonça que l’épidémie de la peste qui frapperait l’Inde au début du XXe était un signe en sa faveur et que ses loyaux disciples n’en seront pas affectés.

Les origines de la prophétie concernant la peste remontent à une ancienne révélation divine reçue par Mirza Ghulam Ahmadas, le Messie Promis et Imam Al-Mahdi. Dans son premier ouvrage intitulé Barahin-é-Ahmadiyya il affirma que Dieu lui avait révélé ceci : « Un avertisseur vint au monde, mais le monde ne l’accepta pas. Mais Dieu l’acceptera et manifestera sa véridicité par de puissants assauts ».1

Ces paroles furent révélées avant que Mirza Ghulam Ahmadas ne se proclama Messie ou envoyé de Dieu. L’histoire démontre que cette révélation fut la base de la prophétie sur la peste et de toutes les prédictions annonçant la punition divine faites par Mirza Ghulam Ahmadas. Elle souligne également plusieurs aspects clés de la prophétie.

Premièrement, avant même la propagation de l’épidémie, Mirza Ghulam Ahmadas s’était déjà proclamé récipiendaire de révélations divines et était engagé dans sa mission prophétique.

Deuxièmement, l’origine de l’épidémie aura pour cause son rejet par la nation. Troisièmement, Dieu punira celle-ci pour ses méconduites et manifestera la véracité du Messie Promisas par de terribles assauts, en l’occurrence la peste. Des références plus implicites quant à l’épidémie sont apparues bien après que Mirza Ghulam Ahmadas s’était proclamé Messie et Mahdi. Le premier signe date de 1893, quand il prophétisa la mort de Lekh Ram2, l’un de ses plus farouches adversaires. Dans une lettre datée du 14 juin 1903, il annonça : « [Dieu] m’a révélé que peu de temps après le décès de Lekh Ram, le Pendjab sera frappé par l’épidémie de la peste. »3 Ceci est une source extrêmement importante étant donné qu’elle précède la propagation de la maladie.

En février 1898, Mirza Ghulam Ahmadas fit sa première annonce publique concernant la peste, prédisant ses ravages dans tout le Pendjab. Au moment de la publication de cette annonce, la peste sévissait déjà en Inde. Elle frappa Bombay en 1896, pour se répandre ensuite dans ses environs ; elle n’avait cependant pas encore atteint des proportions épidémiques.

L’apparition de la maladie perturba grandement le gouvernement britannique, qui fit des efforts « vigoureux et énergiques » dès le début de l’épidémie pour réduire sa propagation. 4 Il existait une réelle crainte parmi l’élite dirigeante qu’une épidémie galopante ne menace l’Empire, l’ordre social indien et le commerce international. Cela entraîna une intervention étatique à grande échelle pour contrôler l’épidémie, dont des mesures de quarantaine, des restrictions sur le déplacement, des camps d’isolement pour les malades et l’évacuation de villes entières. Des commissions étrangères contre la peste menèrent en Inde des enquêtes statistiques et scientifiques quant aux causes de cette maladie et pour identifier les moyens pour la combattre.5

Mirza Ghulam Ahmadas prophétisa que seule l’intervention divine pourrait endiguer la dévastation et que la peste ferait bientôt des ravages dans la province du Pendjab. Il écrivit : « Aujourd’hui, dimanche 6 février 1898, j’ai vu en rêve que les anges de Dieu plantaient des arbres noirs dans différents endroits du Pendjab. Ces arbres étaient très affreux, de couleur noire, terrifiants et de petite taille. J’ai demandé à ceux qui les plantaient : « De quel genre de plante s’agit-il ? » Ils répondirent : « Ce sont des arbres de la peste qui se répandra dans le pays. » J’ignore si selon la prédiction la peste se répandra au cours de l’hiver à venir ou le suivant. En tout cas le signe était terrible. » 6

Le Messie Promisas fit également référence à une autre révélation dans la même annonce : « Avant ce [rêve], j’ai aussi reçu une révélation sur la peste prédisant ceci : tant que les gens ne se soignent pas de la maladie de leurs péchés, l’épidémie de ce monde ne s’apaisera pas. »7

Il ajouta qu’il s’agissait d’un avertissement : la punition pourrait être évitée si les gens se repentaient de leurs mauvaises actions et se tournaient vers la piété et la vertu. Quelques mois plus tard, le 2 mai, jour de l’Aïd-ul-Adha, le Messie Promisas tint une « réunion sur la peste »8 avec ses disciples dans laquelle il « évoqua les objections soulevées contre les mesures de ségrégation et d’isolement prescrites par les autorités, expliquant leur nécessité et leur utilité et soulignant l’importance de la coopération avec l’État. » 9 Encore une fois, il expliqua que cette épidémie était une punition divine en raison de la montée fulgurante du péché et du mal parmi les disciples de toutes les religions et que le repentir était l’unique moyen de s’en prémunir.

Le Messie Promisas expliqua une révélation divine reçue en langue arabe en 1902 en ces termes : « Trois points ressortent de cette révélation : premièrement la peste est apparue dans le monde parce que le Messie Promis de Dieu a non seulement été rejeté, mais il a été de surcroît tourmenté. Voire divers complots ont été ourdis pour l’assassiner. On l’a traité en outre de mécréant et d’antéchrist […] En effet, le simple rejet d’un messager n’entraîne pas la destruction dans le monde. Si les gens rejettent de façon polie et civilisée l’envoyé de Dieu et ne s’en prennent pas à lui, ni par la main, ni par la langue, leur rétribution est décrétée pour l’Au-delà. »10

La même révélation contenait un autre élément significatif sur la prophétie à propos de la peste, à savoir que ceux qui résidaient dans la maison du Messie Promisas en seraient épargnés. La révélation disait : « Je sauverai tous ceux qui vivent entre les quatre murs de ta maison. »11

Dans son livre l’Arche de Noé, le Messie Promisas écrit : « Le Tout-Puissant Dieu veut gratifier cette génération d’un Signe de miséricorde venant du ciel. S’adressant à moi, le Tout-Puissant Dieu m’a dit que tous ceux et moi qui habitons entre les quatre murs de ma maison ainsi que ceux qui s’annihilent en moi par esprit d’obéissance12, de subordination parfaite et de piété sincère serons sauvés de la peste, et qu’afin d’aider les gens à discerner la vérité d’avec l’erreur, cela constituera le Signe divin de ces Derniers Jours. Toutefois, ceux qui ne me suivent pas fidèlement ne seront pas comptés au nombre des miens. »13

Il ajouta : « En effet, il y a de cela longtemps, le Seigneur de la terre et des cieux, dont la Connaissance et le Pouvoir s’étendent sur toutes choses, m’a dévoilé qu’Il protégera toute personne qui habite ma maison, à condition qu’elle affranchisse son cœur de toute intention hostile et que, sans aucune réserve, avec sincérité, soumission et humilité, elle fasse sur mes mains le serment d’allégeance de n’être point rebelle aux commandements de Dieu et de Son Messager, de n’être point vaniteuse, hautaine, arrogante, insouciante, obstinée et présomptueuse, et de se conformer à mes enseignements. »14

Dans son ouvrage Nouzoul-oul-Masih, le Messie Promisas explique davantage : « Ces derniers jours, Dieu m’a révélé : « Je sauverai tous ceux qui habitent les quatre murs de ta maison, à l’exception de ceux qui se conduisent avec arrogance et qui se prétendent haut placés. Et je te sauverai avec distinction. Que la paix soit sur toi de la part de Dieu, le Miséricordieux. »

Sachez que le décret divin concernant Qadian comprend deux aspects. De prime abord, il s’agit d’un décret relatif à la ville en général notamment le fait qu’elle sera à l’abri d’une peste qui décimera des habitations entières. Deuxièmement, il s’agit d’un décret se rapportant à ma maison en particulier : tous ceux qui y résident seront à l’abri des ravages frappant certains habitants de Qadian. »15

Le Messie Promisas lança également un défi à divers chefs religieux de l’Inde les incitant à prier pour la protection des villes abritant le siège de leurs institutions religieuses afin de prouver qu’ils jouissaient exclusivement du soutien divin.

Il écrit dans son ouvrage Dafi-ul-Bala : « À présent, il incombe aux aryas (hindous) de déclarer que Varanasi (Bénarès), le lieu originel des Védas, est l’objet de la prophétie suivante : que leur Parmeshwar protégera Varanasi de la peste. De même, il sied aux disciples du Sanatan Dharma de choisir une ville où les vaches sont nombreuses, par exemple Amritsar, et ensuite de prophétiser que grâce à la vache sacrée la peste n’y apparaîtra point. Si un tel nombre important de vaches arrive à produire ce miracle, il ne sera pas du tout étonnant que le gouvernement décide d’épargner désormais la vie de ce miraculeux animal. 

Ensuite, il incombera aux chrétiens de déclarer que la peste ne frappera pas Kolkata (Calcutta) étant donné que l’archevêque de l’Inde britannique y réside. De même, Mian Shams-ud-Din et les membres de son association Anjuman-i-Himayat-i-Islam devront prédire que la ville de Lahore sera à l’abri de la peste. Aussi, Munshi Ilahi Bakhsh, le comptable qui prétend recevoir la révélation divine, a-t-il à présent l’occasion de prophétiser, avec l’appui de sa révélation, la protection de la ville de Lahore et offrir ainsi son aide à l’Anjuman-i-Himayat-i-Islam. Il sera approprié également que ‘Abd-ul-Jabbar et ‘Abd-ul-Haqq formulent une prophétie par rapport à la ville d’Amritsar, et que Nadhir Husayn et Muhammad Husayn en fassent de même en faveur de la ville de Delhi qui est le centre de la secte wahhabite. De cette façon, l’on pourra dire que tout le Pendjab restera à l’abri de cette maladie destructrice, et en sus de cela le gouvernement sera libéré gratuitement de ses responsabilités dans ce cadre. Si par contre ces gens ne le font pas, l’on pourra alors comprendre que le Vrai Dieu est Celui Qui a envoyé Son messager à Qadian. »16

Une vue d’ensemble de ces révélations présente les caractéristiques de cette prophétie :

La peste se répandrait dans tout le Pendjab et y causerait des ravages

La peste était à la fois un avertissement et un signe de punition en raison de la recrudescence du péché et de la persécution du messager de Dieu. Si les gens se repentaient, ses effets seront réduits ; autrement elle causera dévastation et effroi.

Ceux qui résidaient dans les quatre murs de la maison physique du Messie Promisas, dans la ville de Qadian ou les membres de sa communauté spirituelle, seront en grande partie à l’abri des ravages de la peste, tant qu’ils croient sincèrement dans ses enseignements.

Quel était l’impact de la peste et dans quelle mesure les divers volets de la prophétie se sont-ils réalisés ? L’ampleur de la dévastation dans le Pendjab, et en Inde dans son ensemble, était immense. La troisième pandémie de peste fit plus de 12 millions de morts entre 1898 et 1948.17 Il convient de noter que ce chiffre et tout autre ne sont que des estimations modestes et ne prennent pas en compte les cas qui ont été mal diagnostiqués, non déclarés, dissimulés ou classés à tort.18

Il est intéressant de comparer la propagation géographique de la maladie et le nombre de morts avec diverses parties du monde touchées par la peste. La troisième pandémie de la peste débuta dans la province chinoise du Yunnan en 1855 et, selon l’Organisation mondiale de la Santé, elle fut active jusqu’en 1959. Le réseau mondial de transport maritime assura la propagation de la maladie au cours des décennies suivantes.19 La peste s’étendit ensuite jusqu’en Europe, aux États-Unis et même dans des pays de l’Amérique du Sud, tels que le Pérou et l’Argentine. Cependant, dans tous ces endroits, ses effets étaient « limités aux villes côtières et avaient à peine pénétré au-delà des docks. Au lieu de millions de morts, comme ce fut le cas pour les deux pandémies précédentes et comme l’Europe le craignait au début du XXe siècle, les décès de cette troisième pandémie dans les zones tempérées dépassaient rarement la centaine ».20

Le nombre de victimes dans ces lieux n’était pas comparable à celui de l’Inde et du Pendjab. Par exemple, Honolulu où la maladie dura un an, ne connut que 61 décès. L’épidémie affecta aussi la ville américaine de San Francisco pendant quatre ans mais ne fit que 113 morts.21 Le seul pays où la destruction était comparable à l’Inde et au Pendjab était la Chine, avec environ 10 millions de décès. Une révélation divine reçue par le Messie Promisas en 1903 offrit une dimension supplémentaire concernant les ravages de l’épidémie dans le Pendjab : « La porte de la peste a été ouverte. À partir de maintenant elle ne s’atténuera pas. »22 Ceci est extrêmement important car les experts affirment que les années 1904, 1905 et 1907 ont été les plus meurtrières. Selon les chiffres établis par J. N. Hays, le bilan annuel des morts dépassait 1 million durant ces années. Durant la période de mortalité maximale, le Pendjab était la zone la plus touchée.23

L’accomplissement de la prophétie du Messie Promisas était également évident à travers la réaction du public. Elle était, selon lui, un signe de la colère divine. Son objectif était d’avertir les gens afin qu’ils se repentent de leurs péchés. Ceci est extrêmement pertinent pour presque tous les écrivains et historiens qui ont écrit sur le sujet : ils admettent que la panique causée par la peste à tous les niveaux de la société « n’avait aucun rapport direct avec la virulence de l’épidémie ».24 Bien que la peste bubonique était une grande tueuse, elle n’était pas l’épidémie la plus destructrice ayant ravagé l’Inde au cours de la même période. Le paludisme et la tuberculose firent deux fois plus de victimes.25 Durant cette période certaines parties de l’Inde souffrirent également de la famine et du choléra. Mais ce fut le fléau de la peste qui suscita le plus de terreur et de panique parmi l’élite dirigeante et le grand public. Certains auteurs sur le sujet suggérèrent même que l’importance de la peste ne résidait pas dans le coût en vies humaines, certes très importantes, mais dans les troubles politiques et publiques qu’elle engendra.26

Un exemple tragique de la terreur et du chaos suscités par la maladie furent les émeutes à Pune, déclenchées par les mesures sanitaires adoptées par le gouvernement britannique. Elles aboutirent au meurtre de W. C. Rand, commissaire sur la peste de la ville.27 Des cas similaires de panique se sont produits dans d’autres villes où les politiques du gouvernement, perçues comme étant invasives, conduisirent à des grèves et à une fuite massive des populations des villes et des villages touchés par la peste.28

Les preuves de la troisième partie de la prophétie proviennent des écrits du Messie Promisas et des récits de ses compagnons. Bien qu’il n’existe pas de statistiques réelles sur l’effet de la peste à Qadian, divers récits ainsi que les preuves du Messie Promisas démontrent que sa ville fut affectée sans pour autant connaître la dévastation qui touchait d’autres régions. Il n’existe aucune preuve statistique sur le nombre de musulmans ahmadis ayant succombé à la maladie, mais rien n’indique qu’il était important.

Durant les années où sévissait la peste, le Messie Promisas publia nombre d’ouvrages et d’annonces sur sa prophétie et aucun ne fut contesté par ses adversaires. En tout cas, il n’y a aucun doute quant au fait que personne ne décéda de la peste dans la maison du Messie Promisas. Selon ses écrits toute personne suspectée d’être atteinte de la peste s’était complètement rétablie.

Il relate dans son ouvrage Haqiqat-oul Wahyi : « Durant les jours où sévissait la peste, quand Qadian a été affecté dans une certaine mesure, Maulwi Muhammad Ali avait attrapé une fièvre virulente. Il était presque sûr qu’il s’agissait de la peste et sentant la mort proche, il a fait son testament et a informé le Mufti Mu­­hammad Sadiq à ce propos. Il logeait dans une partie de ma maison à propos de laquelle Dieu avait révélé : « Je sauverai tous ceux qui habitent chez toi. » Je lui ai rendu visite pour m’enquérir au sujet de sa santé. Le trouvant bouleversé et troublé, je lui ai expliqué : « Si vous souffrez de la peste, cela signifie que je suis un imposteur et que je ne suis pas récipiendaire de révélations divines. » J’ai tâté ensuite son pouls et j’ai été témoin d’un signe étrange de soutien divin. Dès que j’ai touché son poignet, je l’ai trouvé normal : il n’y avait aucune trace de fièvre. »29

Il écrit concernant un autre incident : « Quand la peste avait affecté Qadian, mon fils Sharif Ahmad souffrait d’une forte fièvre ressemblant à de la typhoïde. Il avait perdu connaissance et agitait ses bras. Je me disais que personne n’était immortel, mais que si ce garçon décède en ces temps, tous mes adversaires clameraient qu’il était atteint de la peste et prétendraient que la révélation divine évoquant la protection de tous ceux qui habitaient ma maison était fausse. Cette situation me troubla énormément. Vers minuit, l’état du garçon se détériora et je commençai à craindre le pire et pas seulement une fièvre ordinaire. Je ne peux décrire mes sentiments, car si le garçon meurt, ceux colportant des mensonges [à mon encontre] pourront nuire à la vérité. Je fis mes ablutions et je me levai pour la prière. Immédiatement, je me retrouvai dans un état prédisant un signe clair de l’acceptation de ma supplication. Je prends Dieu – qui détient ma vie entre Ses mains – à témoin que je venais de terminer trois raka’ah de prière lorsque je vis dans une vision que le garçon était entièrement rétabli. Quand je terminai ma prière, je le vis assis et conscient demandant de l’eau. On lui en offrit immédiatement et quand je posai ma main sur son corps, il n’y avait aucune trace de fièvre. Son état de divagation, d’agitation et d’inconscience avait complètement disparu et il retrouva la santé. »30 Il est incontestable que la prophétie du Messie Promisas s’était réalisée.

 Une autre dimension de cette prophétie présente un intérêt considérable dans la littérature islamique. Le Saint Coran évoque la دَابَّةُ الْأَرْضِ (Dabat-oul-Ard) ou créature de la terre en ces termes : 

« Et quand la parole divine concernant leur destruction se réalisera, Nous ferons sortir pour eux de la terre une créature qui les blessera, parce que les gens n’avaient pas cru en Nos signes. »31

Ce verset a longtemps été considéré par les érudits musulmans et les théologiens comme se référant au temps du Messie Promisas et aux derniers jours. Allamah Isma’il Haqqi al-Bourouswi écrit que la Dabat-oul-Ard précéderait la venue du Mahdi, de l’Antéchrist et du Messie. Le savant chiite Fath-ullah Kashani, relie ce verset à l’émergence de « l’autorité divine qui est le Mahdi de la Oummah musulmane. »32

Divers récits chiites associent la Dabat-oul-Ard à la fin des jours et l’arrivée de l’Antéchrist. L’éminent juriste, érudit et historien Ibn Kathir déduit du verset qu’une grande bête, qui parlerait aux êtres humains, apparaîtra à l’heure fixée. La Dabat-oul-Ard figure également en bonne place dans les hadiths (paroles du Saint Prophète) et est mentionnée à plusieurs reprises comme l’un des signes des derniers jours et du temps du Messie Promisas.33

Tout en s’accordant avec ces opinions des anciens, Mirza Ghulam Ahmadas interpréta le terme comme signifiant un « insecte » et l’associa à la peste. Ceci est crucial parce que la troisième épidémie de la peste coïncidait avec diverses percées scientifiques permettant aux chercheurs de comprendre que les puces étaient le vecteur principal de la maladie.

Le premier développement significatif dans ce domaine eut lieu en 1894 lorsque les bactériologistes Alexandre Yersin de l’Institut Pasteur et le Japonais Kitasato Shibasaburo isolèrent l’agent pathogène de la peste. Yersin nomma le microbe Pasteurella Pestis, d’après son mentor Louis Pasteur. Cependant, en 1970, il a été renommé Yersinia Pestis en l’honneur du découvreur de l’organisme. Malgré la découverte fondamentale de Yersin, le problème de la propagation et de l’infection des humains par les microbes n’était toujours pas résolu.34

Cette tâche revint au bactériologiste français Paul L. Simond. De 1897 à 1898, Simond testa un antisérum pour la peste lui permettant ainsi de découvrir le mécanisme de transmission de la maladie. Dans un article intitulé La Propagation de la Peste, il explique que les résultats de ses expériences démontrèrent que les puces35 du rat oriental (Xenopsylla cheopis) transportaient le bacille de la peste entre les rongeurs.36 Ces puces parasitaient et mordaient les humains, transmettant ainsi la maladie. Elles étaient le vecteur principal du virus.

La communauté médicale, en particulier les médecins familiers avec la peste bubonique, rejeta initialement les conclusions de Simond. Beaucoup étaient incapables d’accepter l’idée qu’une créature aussi petite que la puce pouvait être un facteur aussi important dans la propagation des épidémies.37

Il a fallu dix ans de plus pour que la découverte de Simond gagne du terrain. Certaines des premières preuves à l’appui de ses affirmations proviennent de la ville australienne de Sydney et d’autres découvertes de chercheurs enquêtant sur l’épidémie de la peste de 1900. Puis, de 1903 à 1905, les observations et les expériences de W. G. Liston démontrèrent également ce lien entre les puces et les rats.

En 1908, la Commission indienne de recherche sur la peste accepta les conclusions initiales de Simond. Six ans plus tard, en 1914, les travaux de recherche de A. W. Bacot et C. J. Martin décrivirent comment la puce contracte le bacille et le transmet aux humains.38

Le Messie Promisas n’avait pas pris autant de temps pour attester les conclusions du bactériologiste français. Dès le début du siècle il affirma que la peste était transmise à l’homme par la morsure de puces infectées. Il déclare : « Les récentes découvertes prouvent que la peste se propage à travers un insecte de la terre. » 39

« Diverses hypothèses ont été formulées au sujet de l’épidémie meurtrière qui décime actuellement nos terres. Les médecins, qui se préoccupent uniquement de l’aspect physique et de ce qui s’y rapporte, affirment que les vecteurs principaux de contagion sont les puces qui infectent d’abord les rats avant de transmettre la maladie aux humains. »40

Cette reconnaissance du Messie Promisas sur le moyen de transmission de la peste aux humains ne semble pas importante dans le contexte moderne : or il s’agissait d’une position incroyablement radicale pour l’époque.

Le lien établi par le Messie Promisas entre le contenu du verset en question et les découvertes médicales de l’époque n’était pas motivé par des découvertes scientifiques, mais parce qu’il affirmait que Dieu lui avait enseigné cette interprétation. Il affirme : « La Dabat-oul-Ard mentionné dans ces versets coraniques est le même que celui destiné à apparaître à l’époque du Messie Promis depuis les temps anciens : je l’ai vu sous diverses formes dans mes visions. Dieu m’a révélé qu’Il a nommé l’insecte de la peste la Dabat-oul-Ard. »41

En outre, le Messie Promisas a présenté plusieurs arguments pour étayer son interprétation. La Dabat-oul-Ard signifiait un insecte ou tout autre animal. Conformément au principe selon lequel les versets du Saint Coran s’expliquent mutuellement, il présente le verset 15 de la sourate al-Saba : celui-ci évoque la disparition du prophète Salomon ainsi que la Dabat-oul-Ard qui consomma ses biens. On accepte communément qu’il s’agissait d’insectes, notamment de termites.

Le verset de la sourate al-Naml suggère que les événements prophétisés se produiraient à l’époque d’un envoyé divin et seront une punition frappant ses ennemis. Cette interprétation est entièrement justifiée dans le contexte de l’avènement du Messie Promisas et de la propagation de la peste par les puces.42

La prophétie de Mirza Ghulam Ahmadas sur la peste était une confirmation qu’il était un envoyé de Dieu. Elle est apparue comme un signe d’avertissement pour ceux qui ont rejeté son message et l’ont qualifié d’imposteur. Elle s’est réalisée comme prédite et confirme les récits islamiques sur l’avènement du Messie Promisas.

Les historiens étudiant la troisième pandémie se concentrent sur son impact sur la médecine ou sur ses effets sur l’empire britannique en Inde et les énormes dégâts qu’elle a causés. Or son importance réelle réside dans son témoignage en faveur de Mirza Ghulam Ahmadas, un serviteur choisi de Dieu.

 

Bibliographie et Notes

  1. Mirza Ghulam Ahmadas, Tadhkira, Islam International Publications, 2009, p. 128
  2. Le Pandit Lekh Ram, leader de la secte hindou des Arya Samaj, était un farouche détracteur de l’Islam et adversaire du Messie Promisas.
  3. Mirza Ghulam Ahmadas, Tadhkira, Islam International Publications, 2009, p. 295
  4. Rajnarayan Chandayarkar, Imperial Power and Popular Politics, Cambridge, Royaume-Uni, Cambridge University Press, 1920, p. 234
  5. Mark Harrison, Disease & the Modern World: 1500 to the Present Day, Wiley, 2013
  6. Mirza Ghulam Ahmadas, Tadhkira, Islam International Publications, 2009, p. 407 à 408
  7. Mirza Ghulam Ahmadas, Apni Tahriron Ki Ruh Se, vol. 2, p. 1215
  8. La fête islamique pour marquer la fin du pèlerinage à La Mecque
  9. R. Dard, Life of Ahmadas: Founder of the Ahmadiyya Movement, Tilford, Royaume-Uni, Islam International Publications Limited, 2008, p. 591
  10. Dafi ‘ul-Bala, Rouhani Khazain 18, p. 229.
  11. Al-Hakm, vol. 6, no. 16, 30 avril 1903, p. 7
  12. La communauté spirituelle des musulmans ahmadis fondée par le Messie Promisas
  13. Kashti Nuh, Rouhani Khaza’in, vol. 19, p. 2
  14. Ibid.
  15. Nouzoul-oul-Masih, Rouhani Khaza’in, vol. 18, p. 401-402
  16. Dafi-ul-Bala, Rouhani Khaza’in, vol. 18, pp. 230-231
  17. Joseph Patrick Byrne, The Black Death, Connecticut, USA, Greenwood Press, 2004, p. 17
  18. Rajnarayan Chandavarkar, Imperial Power & Popular Politics: Class, Resistance and the State of India, c. 1850-1950, Cambridge, Royaume-Uni, Cambridge University Press, 1998, p. 234
  19. W. Bacot and C. J. Martin, Observations of the Mechanism of the Transmission of Plague by Fleas, The Journal of Hygiene, no. 13, 1914, p. 423
  20. Samuel J Kohn JR, Epidemiology of the Black Death & Successive Waves of Plague, Medical History Supplement, no. 27, 2008, p. 74
  21. N. Hays, Epidemics and Pandemics: Their Impacts on Human History, Santa Barbara, USA, ABC-Clio, 2005, p. 332-333
  22. Al Badr, vol. 2, No 10, 27 mars1903, p. 80, cité dans Tadhkira, édition ourdou, 2004, p. 386
  23. Rajnarayan Chandavarkar, Imperial Power & Popular Politics: Class, Resistance and the State of India, c. 1850-1950, Cambridge, Royaume-Uni, Cambridge University Press, 1998, p. 234-237
  24. Rajnarayan Chandavarkar, Imperial Power & Popular Politics: Class, Resistance and the State of India, c. 1850-1950, Cambridge, Royaume-Uni, Cambridge University Press, 1998, p. 234
  25. Ibid.
  26. Medical Hisory of British India, Medical History of British India, Disease Prevention and Public Health, National Library of Scotland, https://digital.nls.uk/indiapapers/plague.html.
  27. Mark Harrison, Disease & the Modern World: 1500 to the Present Day, Cambridge, Royaume-Uni, Polity Press Limited, 2013
  28. Ibid.
  29. Haqiqatul Wahyi, Rouhani Khaza’in 22, p. 265
  30. Ibid. p. 87
  31. Le Saint Coran, chapitre 27, verset 83
  32. Mirza Tahir Ahmad, Revelation, Rationality, Knowledge and Truth, Tilford, Royaume-Uni, Islam International Publications, 1998, p. 636-637.
  33. Ibn Majah, hadith 4066 et Tafsir Ibn Kathir, note de bas de page Fath al-Biyan Surah al-Naml
  34. Kupferschmidt, Epidemiology of the plague. Changes in the concept in research of infection chains since the discovery of the plague pathogen in 1894, Gesnerus Supplement 43, 1993, 1-222
  35. Charles de Paolo, Epidemic Disease and Human Understanding, Jefferson, USA, McFarland & Company Incorporated, 2006, p. 133
  36. Oriental Rat Flea, Encyclopedia Britannica, dernier accès 6 juillet, 2015, https://www.britannica.com/animal/Oriental-rat-flea
  37. Charles de Paolo, Epidemic Disease and Human Understanding, Jefferson, USA, McFarland & Company Incorporated, 2006, p.138
  38. W. Bacot and C. J. Martin, Observations of the Mechanism of the Transmission of Plague by Fleas, The Journal of Hygiene, no. 13, 1914, p. 423
  39. Nuzul-i-Masih, Rouhani Khaza’in 18, p.417
  40. Dafi ‘ul-Bala, Rouhani Khaza’in 18, p. 221
  41. Nouzoul-oul-Masih, Rouhani Khaza’in 18, p.416
  42. Nouzoul-oul-Masih, Rouhani Khaza’in 18, p. 417-419
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