Histoire Judaïsme

Jérusalem : une ville d’harmonie

Le conflit entre Israël et le Hamas a soulevé de nombreuses questions : les peuples d’Israël et de la Palestine peuvent-ils coexister paisiblement ? Existe-t-il un clivage profond entre l'islam et le judaïsme et est-ce là la raison de ce conflit ?

« Celui qui veut prévoir l’avenir doit consulter le passé, car les événements humains ressemblent toujours à ceux des époques précédentes. » [1]

L’histoire répond à notre question

Quand les musulmans assiégèrent Jérusalem contre les Byzantins au VIIe siècle, ce fut Umar (ra), le deuxième calife de l’Islam, en personne qui signa un traité à la demande de l’armée byzantine et du grand prêtre de Jérusalem. Les Byzantins refusèrent de céder leur ville à quiconque autre que le chef des musulmans.

Mais où étaient les Juifs ?

Les Juifs de la Palestine avaient aidé les Perses contre les Byzantins quelques années auparavant, trahissant ces derniers et obtenant ainsi l’administration de Jérusalem. Cependant, ce règne ne dura que trois ans avant que les Byzantins ne reprennent Jérusalem ne tuent ou exilent tous les Juifs de la ville.[2]

La méfiance à l’égard du peuple juif persistait. C’est peut-être la raison pour laquelle, selon certaines sources, le Calife Umar (ra) n’autorisa pas les Juifs à entrer à Jérusalem immédiatement après la signature du traité.

Cette restriction peut choquer plus d’un, mais si ce constat est vrai, il s’agit clairement d’une décision sage pour maintenir la paix à Jérusalem. Si les traîtres récemment exilés revenaient après la perte de votre souveraineté, vous détesteriez vos nouveaux dirigeants et mépriseriez toujours ces traîtres pour leurs actions passées. C’est en gardant cette idée à l’esprit que le Calife Umar (ra) a énoncé, avec diplomatie, les conditions initiales du traité. Elles stipulaient :

1.      La sécurité des chrétiens, de leurs richesses, de leurs croix et de leurs églises est garantie. Aucune église ne sera saisie ou détruite, de même que leurs biens.

2.      Nulle contrainte en religion et personne ne sera troublé.

3.      Ils devront payer la Jizya (impôt pour les non-musulmans, qui était souvent inférieur à l’impôt pour les musulmans et qui exemptait les non-musulmans du combat).

4.      L’armée byzantine doit être expulsée, et la sécurité de leur vie et de leurs biens leur est garantie jusqu’à ce qu’ils atteignent un lieu sûr.

5.      Les Juifs ne vivront pas à Jérusalem.[3]

Certaines narrations affirment que les Juifs n’ont pas été autorisés à émigrer au début en raison des tensions. Cependant, les historiens juifs eux-mêmes admettent que l’émigration juive a commencé peu après la conquête de Jérusalem. Dans son livre « Une brève histoire d’Israël », l’historien juif Bernard Reich écrit £ :

« La migration des Juifs a commencé peu après la conquête de Jérusalem. Dès le début du règne de l’Islam, les colonies juives regagnèrent Jérusalem et la communauté juive a été autorisée à vivre sous “protection”, le statut coutumier des non-musulmans sous le règne de l’Islam, qui protégeait leurs vies, leurs biens et leur liberté de culte en échange du paiement de taxes spéciales et d’un impôt foncier. »[4]

Il n’y avait aucun doute sur l’amour que portait Umar (ra) pour Jérusalem qui traitait le lieu saint des Juifs avec beaucoup d’amour et d’attention. Lors de son séjour à Jérusalem, Umar (ra) s’est rendu à Masjid Al-Aqsa pour prier mais retrouva le lieu dans un état insalubre. Comme l’explique l’imam Ibn Taymiyyah (rh) : « Lorsque Umar ibn Al-Khattab a conquis Jérusalem, il y avait un énorme dépôt d’ordures laissé par les chrétiens sur le rocher. Ils avaient l’habitude de traiter délibérément de manière irrespectueuse les Juifs, qui priait dans cette direction. Ce rocher, dont ‘Umar a retiré la saleté de ses propres mains et l’a emporté dans sa cape pour la nettoyer, était la qiblah (direction de la prière) des Juifs, et selon leurs croyances, le rocher qu’ils vénéraient était l’endroit où Dieu avait parlé à Jacob. »[5]

L’histoire montre que les musulmans étaient très accueillants à l’égard des Juifs à Jérusalem et en Palestine. En fait, un texte judéo-arabe préservé écrit de manière apocryphe que Umar (ra) a rouvert Jérusalem aux Juifs :

‘Chaque musulman qui arrivait se trouvait dans une ville ou une vallée, et un groupe de juifs les accompagnait. Puis il (Umar) leur ordonna de balayer le lieu saint (le site du Temple) et de le purifier… Après cela, les Juifs envoyèrent un mot à tous les autres Juifs de Palestine pour les informer de l’accord que Umar avait passé avec eux… Puis Umar leur dit : “Où voulez-vous habiter dans la ville ?”. “Dans la partie sud”, répondirent-ils. Et c’est là que se trouve aujourd’hui le marché des Juifs. Le but de leur demande était d’être à proximité du Mont du Temple et de ses portes, ainsi que de l’eau de Silwan pour les bains rituels. Le Commandeur des croyants le leur accorda.’[6]

Émerveillez-vous devant ce beau sentiment. Ces mêmes Juifs ont pu vivre en paix à Jérusalem, qui auparavant les avaient exécutés ou exilés et dont le lieu le plus saint avait été transformé en décharge.

Nous trouvons une autre preuve réconfortante. Une lettre de l’Académie rabbinique de Jérusalem, datée du XIe siècle, démontre que, des centaines d’années après le pacte d’Umar (ra), le traitement des Juifs par les musulmans a été raconté à chaque génération par le biais de récits. Le rabbin écrit :

‘C’est grâce à Dieu, qui a retourné vers nous la compassion du royaume ismaélite, qu’il a tendu la main, pris la Terre sainte aux Edomites et est venu à Jérusalem. Avec les Ismaélites se trouvaient des Juifs, qui leur montrèrent l’emplacement du Temple et restèrent avec eux [à Jérusalem] depuis lors jusqu’à ce jour.’ [7]

Ce fait a été rapporté à maintes reprises : Umar (ra) a incarné l’attitude islamique à l’égard du judaïsme, démontrant activement que les musulmans et les juifs pouvaient coexister pacifiquement.

Dans un pays aujourd’hui plongé dans une guerre géopolitique, certains ont saisi cette occasion pour dépeindre le conflit comme religieux, en affirmant que l’Islam a une haine inhérente pour les Juifs.

Ce n’est pas vrai, les vrais musulmans se tiendront toujours aux côtés de ceux qui agissent avec justice. Les musulmans espèrent que la piété ancrée dans le judaïsme brillera à nouveau, comme le dit le Coran : “Parmi les gens du Livre, il y a un groupe qui respecte son engagement, ils récitent la parole d’Allah pendant les heures de la nuit et se prosternent devant Lui”.[8]

Tant que la justice ne triomphera pas au Levant, cette coexistence harmonieuse entre les musulmans et les juifs à l’époque de Umar (ra) demeurera dans le passé, et peut-être deviendra-t-elle notre avenir. Seul le temps et les prières en décideront.

À propos de l’auteur : Tariq Mahmood est diplômé de l’Institut Ahmadiyya de langues et de théologie au Canada. Il est secrétaire de l’équipe du projet Existence de la Revue des religions.


[1] Niccolo Machiavelli. The Prince. (Race Point Publishing, 2017), 220.

[2] Bernard Reich, A Brief History of Israel (New York: Checkmark Books, 2008), 8–10.

[3] Muhammad Ibn Jarir al-Tabari, Tarikh al-Tabari, Vol. 2 [Beirut, Lebanon: Dar al-Kutub al-Ilmiyyah, 2012], p. 449, tiré depuis https://313companions.org/topics/1387c333-0451-4d44-878f-027b1f58a539/jerusalem

[4] Bernard Reich, A Brief History of Israel (New York: Checkmark Books, 2008), 8–10.

[5] Dr. Ali Muhammad As-Sallabi, ‘Umar Ibn Al-Khattab: His Life & Times, trad. Nasiruddin al-Khattab, vol. 2 (Riyadh: International Islamic Publishing House, 2007), 302–305.

[6] Phillip Lieberman, The Cambridge History of Judaism: Volume 5, Jews in the Medieval Islamic World (Cambridge, UK: Cambridge University Press, 2021), 78–79.

[7] Phillip Lieberman, The Cambridge History of Judaism: Volume 5, Jews in the Medieval Islamic World (Cambridge, UK: Cambridge University Press, 2021), 78–79.

[8] Maulawi Sher Ali, The Holy Qur’ān, (UK: Islam International Publications Limited, 2021), 87, Chapter 3, v. 114