Liberté d'Expression

Quand le blasphème tue

De récents incidents ont relancé le débat sur la liberté d'expression en islam et soulevé de nouveau la question du châtiment réservé dans cette religion à ceux qui commettent le blasphème. Que dit le Coran à cet égard ?

Par Nabil Ahmad Mirza, Montréal, Canada

Le 7 Janvier dernier, la France entière commémorait le triste attentat de Charlie Hebdo et rendait hommage aux journalistes lâchement assassinés. Peu avant, le vendredi 3 décembre 2021, une foule battait et lynchait à mort un Sri-lankais chrétien l’accusant également de blasphème. Ce genre d’incident malheureusement n’est pas chose nouvelle au Pakistan, où l’on observe depuis des années plusieurs soi-disant savants déclarant haut et fort que le châtiment de celui qui blasphème contre Dieu ou insulte Son prophète, est la peine de mort. On les entend en effet souvent scander ce slogan haineux dans les rues du Pakistan : « Le châtiment de toute personne insultant le Prophète est la décapitation ! » Qu’il soit clair et qu’il n’y ait aucune ambiguïté à cet égard, ces actes barbares, sauvages, n’ont aucun fondement en islam, et ne sont aucunement justifiés par ses enseignements, et sont mêmes aux antipodes de ceux-ci.

La vie du Saint Prophète Muhammad (sa) est un exemple parfait d’application rigoureuse des enseignements coraniques, et sa personne est un modèle à suivre pour toute personne de confession musulmane. Certes les musulmans, qui ont un grand amour pour le Prophète (sa), sont profondément blessés par toute atteinte portée à sa personne et à son honneur, mais jamais, le Saint Prophète (sa) et ni ses compagnons n’ont eu recours à la violence face à ce type de comportement.

Quel comportement l’islam demande-t-il aux musulmans d’adopter face aux insultes à l’encontre du Saint Prophète (saw), de Dieu et de tout ce qui est sacré en islam ?

Le Saint Coran mentionne de nombreux blasphèmes proférés par des non-croyants et des hypocrites à l’encontre du Saint Prophète Muhammad (sa), sans pour autant mentionner un quelconque châtiment.

Dieu déclare :

« En vérité ceux qui causent de la gêne à Allah et à Son Messager, Allah les a maudits dans ce monde et dans l’au-delà, et leur a préparé un châtiment humiliant. Et ceux qui calomnient les croyants et les croyantes, pour ce qu’ils n’ont pas mérité porteront la culpabilité d’une calomnie et d’un péché manifeste. »[1]

Ce verset montre de façon claire que Dieu seul punira dans ce monde ou dans l’au-delà les personnes qui calomnient à tort les croyants et les croyantes. L’autorité de punir les blasphémateurs n’a été déléguée à personne d’autre, pas même au Saint Prophète (sa), alors que les gens se sont moqués à plusieurs reprises de sa personne.

Le Saint Coran souligne que ses adversaires affirmaient qu’il était « un insensé »[2] et qu’il y avait « de la folie en lui »[3] De nombreux mécréants pensaient qu’il était « un homme ensorcelé »[4] et le traitaient de menteur. Ils le qualifiaient également de « poète »[5] et de « fabricateur »[6].

Mais les déclarations blasphématoires n’en sont pas restées là. Non seulement, les ennemis du Saint Prophète (sa) ont lancé des attaques personnelles à son encontre, mais ils ont également insulté le Saint Coran, le qualifiant de livre de « rêves confus »[7]. En effet, le Saint Coran lui-même indique qu’ils considéraient ses instructions comme « des fables des anciens »[8].

Malgré les mauvais traitements et l’irrespect dont ont fait l’objet le Saint Prophète (saw) et le Saint Coran, Dieu lui a ordonné de ne pas riposter, en déclarant :

« Nous te suffisons assurément contre les railleurs »[9].

En d’autres termes, Allah Lui-même est suffisant pour s’occuper de ceux qui commettent des blasphèmes contre Lui, le Saint Prophète (sa) ou le Saint Coran, et Il ne permet à personne d’autre d’infliger une punition à cet égard. Allah a conseillé au Saint Prophète (sa) :

« Et ne suis pas les mécréants et les hypocrites, et ne fais pas attention aux embêtements qu’ils te causent, et place ta confiance en Allah ; car Allah suffit comme Protecteur. »[10]

Le Saint Coran conseille également aux musulmans à l’égard de l’attitude dont ils devraient faire preuve lorsqu’ils seront confrontés à des actes blasphématoires à l’égard d’Allah ou de Son prophète. Allah déclare :

«  lorsque vous entendrez les mécréants nier les Signes d’Allah et s’en moquer, ne vous asseyez pas en leur compagnie tant qu’ils n’aient changé de conversation, sinon vous seriez tout comme eux »[11]

Avec de si belles directives promues dans le Saint Coran, comment peut-on prétendre que la peine de mort pour le blasphème est justifiée en islam ?


A propos de l’auteur : Nabil Ahmad Mirza est Rédacteur-en-Chef adjoint de La Revue des Religions. Il est originaire de France et est actuellement missionnaire de la communauté musulmane Ahmadiyya dans la ville de Montréal, située dans la province du Québec. Il intervient également régulièrement dans les émissions francophones de la MTA.


Références :

[1] Saint Coran  (Ch.33:Vs.58-59)

[2] Saint Coran (Ch.15:V.7)

[3] Saint Coran (Ch.23:V.71).

[4] Saint Coran (Ch.17:V.48)

[5] Saint Coran (Ch.21 : V 6)

[6] Saint Coran (Ch.16:V.102).

[7] Saint Coran (Ch.21 : V 6)

[8] Saint Coran (Ch.16:V.25)

[9] (Ch.15:V.96)

[10] (Ch.33:V.49).

[11] (Ch.4:V.141).