Femme

Que dit l’Islam sur le « regard masculin » ?

Les publicités et les médias ne cessent de réduire la femme au rang d’objet voué à satisfaire les désirs des hommes. Quelles sont les solutions que proposent l'Islam ?

Par Mahrukh Arif-Tayyeb

Avez-vous déjà regardé une publicité de parfum et pensé quelle est l’utilité d’y inclure des femmes à moitié nues ? Vous êtes-vous déjà demandé pourquoi la plupart des clips de chansons choisissent d’objectiver les femmes avec des gros plans inutiles sur leur corps ?

Dans la théorie féministe, c’est ce qu’on nomme le « Male Gaze » à savoir le regard masculin.

Le « regard masculin », dans la théorie cinématographique, est un terme qui décrit la manière dont les spectateurs interagissent avec les médias visuels. Il s’agit notamment des publicités, des programmes télévisés et du cinéma. Ce concept a été introduit pour la première fois en 1975 par la cinéaste Laura Mulvey dans son célèbre essai, Visual Pleasure and Narrative Cinema.

Le « regard masculin » évoque la politique sexuelle du regard et suggère une façon sexualisée de regarder qui responsabilise les hommes et objective les femmes. Dans le regard masculin, la femme se positionne visuellement comme un « objet » du désir masculin hétérosexuel.

Adoptant le langage de la psychanalyse, Mulvey soutient que les films hollywoodiens traditionnels répondent à une pulsion profondément enracinée connue sous le nom de « scopophilie » : le plaisir sexuel impliqué dans le regard. Mulvey a fait valoir que la plupart des films populaires sont tournés de manière à satisfaire la scopophilie masculine, où la femme est le « spectacle » et l’homme est « le porteur du regard ». En somme, cela donne l’impression que le cinéaste souhaite que les spectateurs regardent les femmes plutôt que de les écouter.

Alors que Mulvey a théorisé ce concept il y a des années, une nouvelle étude suggère que le « regard masculin » domine encore les médias visuels. Les personnages féminins principaux des grands films sont toujours plus susceptibles d’être objectivés et présenté avec plus de nudité que leurs homologues masculins, perpétuant ainsi des stéréotypes préjudiciables à l’égard des femmes.

De nombreuses femmes se sont récemment prononcées contre cette culture intrinsèquement liée à la domination masculine. Des actrices comme Adèle Haenel – le visage du mouvement français MeToo – ou Keira Knightley ont ouvertement parlé de « gêne » ressentie en dépeignant le regard masculin. Dans une interview récente, l’actrice de Pride and Prejudice a déclaré qu’elle « préférerait ne pas à avoir à se tenir nue en face d’un groupe d’hommes » car cela ne l’intéresse plus.

Toutes ces représentations visuelles ont indéniablement un impact sur la façon dont les hommes regardent les femmes dans la vie courante. Plus qu’un concept qui a évolué dans la théorie cinématographique, il fait désormais partie intégrante de notre société contemporaine. L’émergence de mouvements féministes tels que MeToo en constitue la preuve frappante : les femmes sont toujours en proie au regard, à la domination et à la violence masculine.

Si de nombreuses représentations socioculturelles et religieuses ont lâchement blâmé les femmes qui « inviteraient » à se faire agresser sexuellement par leur attitude ou leurs choix vestimentaires, il est intéressant de voir que l’islam est la seule religion qui a particulièrement abordé la question du « regard masculin » en responsabilisant les hommes, il y a 1400 ans.

Avant d’inviter les femmes à adopter un comportement modeste et à porter le voile, le Saint Coran s’adresse aux hommes en ces termes (24 : 31) :

« Dis aux croyants qu’ils restreignent leurs regards et préservent leurs parties intimes. Cela est plus pur pour eux. Certes, Allah est bien conscient de ce qu’ils font ».

De ce fait, le Saint Coran lie de facto la pureté des intentions des hommes au regard. Les hommes sont appelés à préserver d’abord leur « chasteté mentale » en exerçant un contrôle sur leurs pulsions sexuelles à travers l’appel à la préservation de leur chasteté physique. En effet, un esprit pur sera moins enclin aux pensées et actions impures. La frontière entre le pur et l’impur se maintient, dans le Saint Coran, par le truchement du regard.

Beaucoup diront qu’il serait « injuste » de généraliser le comportement masculin en suggérant que tous les hommes auraient besoin d’un seul coup d’œil pour être sexuellement attiré par les femmes.

Cependant, un grand nombre d’études récentes démontrent la façon dont les hommes se font une certaine représentation des femmes dans leur esprit en fonction de la manière dont elles sont montrées ou vues. En invitant les deux genres à adopter une attitude modeste, le Coran préserve les croyants des représentations malsaines pouvant émaner dans leurs esprits.

De toute évidence, le Coran ne responsabilise pas les femmes pour le comportement masculin : quelle que soit la façon dont la femme choisit de s’habiller, indépendamment du fait qu’elle porte le voile ou non, le Coran ne la blâme pas et enjoint d’abord aux hommes à adopter une attitude modeste, à restreindre leurs regards et à maîtriser leurs pulsions.

De nombreux chercheurs ont fait valoir que si le « regard masculin » est toujours dominant dans notre société, on ne peut nier la tendance opposée qu’est le « regard féminin ». Or, en appelant les femmes à restreindre leur regard et à protéger leur dignité en adoptant un comportement modeste et digne, l’Islam élimine la possibilité des deux tendances, libérant ainsi les hommes comme les femmes d’objectification sexuelle de toute nature. Paradoxalement, il s’agit de la religion la plus associée aux notions de patriarcat et de domination masculine alors que ses enseignements prêchent exactement l’opposé.

Ce problème est plutôt profondément enraciné dans une société et un système qui élèvent des prédateurs sexuels, comme Jeffrey Epstein ou Harvey Weinstein ; le système capitaliste, dominant en Occident, approuve non seulement des comportements sexuels malsains mais exacerbe également l’idée de considérer les femmes comme une marchandise. Plus la femme est sexualisée, plus elle est capitalisable. Dans une étude menée par Qingging Sun sur la volonté grandissante des femmes chinoises à envisager la chirurgie esthétique, l’auteur résume assez brillamment cette idée : « Dans une société de consommation, le corps féminin est consommé et capitalisé, et l’attractivité sexuelle des femmes est une sorte de capital qui peut être transformé en capital économique, politique et culturel (Cheng, 2015). Il est logique que les femmes qui souscrivent à une idéologie capitaliste soient plus susceptibles d’adopter un point de vue capitaliste sur leur apparence en échange à plus de succès. Ainsi, les femmes peuvent choisir de subir une chirurgie esthétique pour augmenter leur attractivité sexuelle et maximiser les avantages. »

L’étude souligne même l’idée que les femmes intériorisent ce regard sur elles-mêmes en établissant des critères de beauté surréalistes visant à attirer le regard masculin et se conformer à la société dans son ensemble. Ces femmes ont également pris conscience, comme le suggère l’étude, que lorsqu’elles se conforment aux normes de beauté fixées par le système, le gain matériel est plus important.

Il devient ainsi assez évident de comprendre les raisons pour lesquelles une femme voilée, faisant le choix volontaire de ne pas exposer ses attraits physiques envoie un message fort au système moderne. Son comportement va à l’encontre de ce qui est devenu la norme, une norme qui a en réalité déshumanisé les femmes en les réduisant à de simples objets à la merci du désir masculin.

En portant un voile et refusant d’exposer ses attraits physiques, une femme musulmane refuse non seulement de devenir une marchandise aux mains d’un système qui capitalise sur son corps, elle défie aussi – par cette attitude – tout un système sexiste et patriarcal qui encourage le dénudement des femmes au nom de la liberté mais ne tolère pas des femmes faisant le choix conscient de se couvrir et/ou se voiler.

L’Islam rejette systématiquement la capitalisation du corps féminin et masculin en évitant les comportements matérialistes débridés et appelle les hommes et les femmes à rechercher la vraie richesse ; celle qui ne peut ni être exploitée, ni capitalisée : la richesse de l’âme.


À propos de l’auteure : Musulmane et Française, Mahrukh Arif-Tayyeb vit actuellement au Royaume-Uni. Elle est titulaire d’une maîtrise de l’École des hautes études en sciences sociales de Paris. Elle a auparavant travaillé comme journaliste pour un journal français.

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