Ecologie

3 questions à Sabrina Benmokhtar sur la journée de l’environnement et la jeunesse

À l’occasion de la journée de l’environnement, nous vous proposons de revenir sur les questions environnementales qui sont aujourd’hui au centre de nos débats. D’aucuns affirment que la Terre court droit à sa destruction si nous ne réagissons pas. J’ai décidé de rencontrer Sabrina Benmokhtar afin de lui poser des questions sur ce qui nous attend lorsqu’on parle d’environnement.

Propos recueillis par Asif Arif

Quels sont les défis majeurs auxquels nous faisons face aujourd’hui en matière d’environnement et comment cela va impacter notre jeunesse ?

Une accélération sans précédent du réchauffement climatique est en marche depuis la fin du XXe siècle. Nous voyons qu’il y a une absence grandissante d’espoir, une augmentation croissante de l’éco-anxiété, au point que certains jeunes ne veulent même plus avoir d’enfants pensant que d’ici qu’ils aient 30 ans, soit en 2050, la planète risque d’être dans un tel état qu’ils ne veulent pas faire subir cet enfer et cette angoisse à leurs enfants.

Concrètement que pourrait-il se passer ? De nombreux endroits du globe deviendraient inhabitables et il se pourrait même que cela puisse concerner les États-Unis et pas uniquement des coins reculés. On assisterait à l’effondrement de la biodiversité, dont l’équilibre naturel permet la vie de notre espèce, et ces événements engendreraient des déplacements massifs de population. Ces exodes n’ont rien à voir avec ce que nous vivons actuellement. Il s’agira de dizaines de millions de personne couplées à une raréfaction des denrées alimentaires, engendrant inévitablement guerre et famine sans oublier évidemment la multiplication des événements climatiques tels que les inondations, les sécheresses ou encore les ouragans.

Quelles seraient les politiques les plus efficaces à mener et à mettre en place dans un futur proche afin d’éviter un cataclysme écologique comme le prédisent certains ?

L’enjeu de la transition énergétique se joue dans les 10 années qui viennent et concrètement il faudra un plan d’action. L’enjeu essentiel sera de diminuer le gaspillage à l’échelle individuelle mais aussi, et surtout, industriel.

Le deuxième pilier est l’efficacité. Cela passe par la détention d’un savoir-faire technique. Par exemple, concernant l’isolation pour permettre d’avoir une chaîne énergétique efficace, il ne faut pas de perte de la source d’énergie jusqu’à son usage.

Le troisième pilier vise à donner la priorité aux énergies renouvelables : l’énergie solaire, l’énergie hydraulique, l’énergie éolienne.

Il s’agit là de la partie pratique qui doit nécessairement s’accompagner d’une politique à long terme. La transition énergétique doit être au centre du projet de société pour piloter cette transition et il faut que les États reprennent le contrôle sur certains domaines clés pour éviter les dérives qu’engendrent la logique du marché, notamment dans les secteurs suivants : circuits courts de consommation, relocalisation, souveraineté énergétique (produire soi-même son énergie ne pas dépendre d’autres pays).

 
Si on laisse ces secteurs clés, que sont l’énergie et le transport, aux mains de l’intérêt privé cela nous empêchera d’avoir une politique ambitieuse sur la transition énergétique.  La transition énergétique n’est pas une niche financière ou une opportunité de marché lucrative pour continuer à faire du profit.


Est-ce vraiment si radicale au sens péjoratif du terme que de dire que l’on veut vivre et non mourir pour de l’argent ? La recherche du profit est contradictoire avec la satisfaction des besoins humains. C’est aussi enfantin que de rentrer un carré dans un rond ! Oui cela demande des changements de paradigme ! Non on ne peut pas courir après une croissance infinie sur une planète dont les ressources sont limitées.

 
Je pense par ailleurs qu’il n’y a pas d’écologie sans juste redistribution des richesses il s’agit là de la définition de l’écologie politique. Cette écologie politique doit répondre aux interrogations suivantes : Qui pollue ? Qui subit ? Qui est d’abord pénalisé ? Qui devrait être prioritaire au regard de sa fragilité ? À qui profite le crime ?


La justice sociale et la justice climatique vont dans le même sens. Faire la justice sociale c’est faire peser la responsabilité sur les bonnes personnes et non de faire peser le poids de cette transition écologique sur les classes moyennes et plus pauvres. Aujourd’hui, je tiens à le rappeler, même si nous nous y mettons tous, nous baisserons que de 20% nos émissions ce qui reste insignifiant comparé au 55% demandé par le GIEC.

Quel est le rôle de la jeunesse dans la conservation et la préservation de notre environnement en sachant que nous sommes dans une période charnière ?

Elle est déjà consciente et elle est à l’origine des mouvements sur le climat. Elle a de fait un rapport à la planète différent et la voit plus comme certains de nos ancêtres ou certaines tribus indigènes qui la voient comme une responsabilité qui nous a été confiée plutôt que comme une marchandise ou comme des ressources dont on pourrait tirer profit. La logique qui a motivé le système dans lequel nous vivons et qui nous mène à notre perte leur est complètement aberrante. A ce titre, il y a une vraie rupture. 


Souvent cette logique suit le même schéma : on se rend compte de l’urgence de la situation puis on essaie d’agir à son échelle puis on comprend un peu comment ça fonctionne et quand le problème devient systémique, on arrive à notre limite de l’action individuelle et de l’engagement politique parce qu’on se rend compte de l’importance des décisions prises à l’échelle territoriale, nationale ou même européenne. Le débouché et le combat est inévitablement politique.

*Sabrina Benmokhtar est Conseillère Municipale Déléguée à la Jeunesse de la Ville de Nancy. Elle a milité auprès de Benoit Hamon, ancien ministre de l’Éducation national mais également au sein du parti Écologie – Les Verts.